Les bases de la foi ecclésiologique orthodoxe


Le trait essentiel de l'Orthodoxie est, qu'elle unit ses fidèles dans une fois à laquelle JAMAIS rien n'a été ajouté, dont rien n'a JAMAIS été retranché, dans laquelle JAMAIS rien n'a été modifié, et qui est identiquement et absolument la même, telle qu'elle fut prêchée par les premiers disciples du Christ.

Notre coup d’œil devra donc être une synthèse, -non pas de l’Orthodoxie comme d’une branche quelconque du christianisme,- mais du christianisme lui-même, dont l’expression, selon la compréhension orthodoxe, se trouve être l’Eglise, la Sainte Eglise, non pas seulement comme motif de crédibilité, mais comme objet même de la foi. Ce qui veut dire qu’elle n’est pas du tout une construction déterminée par une question de droit, mais par la simple présence d’un FAIT. Ceci est caractéristique pour la compréhension orthodoxe.

L’Occident ne voit dans la chrétienté orthodoxe que « des églises », conception qui entraîne des erreurs immenses. Nous venons ici pour tâcher de vous faire saisir ce quelque chose que l’esprit occidental n’a pas aperçu, ce point vital qui est l’essence même de l’Eglise Une et Indivisible selon la conception orthodoxe. C’est l’Eglise Une et Entière, sans distinction de races et de nationalités, l’Eglise dans son UNIVERSALITE, que nous allons tâcher ici de rendre accessible à votre compréhension.



L'IDOLATRIE CONTEMPORAINE A. Kalomiros


L'idôlatrie contemporaine
Alexandre Kalomiros



L'Européen est caractérisé par un terrible antagonisme : l'opposition de l'homme extérieur et de l'homme intérieur. L'Européen est différent dans les apparences de ce qu’il est réellement. Il vit et se meut dans le mensonge du conventionnel. Toute sa civilisation est une addition de mensonges conventionnels auxquels il s'est adapté. Il est égocentrique à l'extrême, mais il se comporte avec les autres avec une politesse absolue, presque recherchée.

Dans les pays sous-développés, là où les hommes n'ont pas encore la sophistication de la civilisation européenne, chacun exprime peu ou prou son monde intérieur avec une certaine liberté et simplicité qu'on ne retrouve pas en Europe. Leurs manières sont abruptes, mais les hommes sont plus vrais. En Europe, ceci est tenu pour un manque de civilisation et de développement spirituel. Ainsi, on en est arrivé à considérer que la civilisation se trouve dans le jeu continuel de l'hypocrisie, ce "sépulcre blanchi, rempli de putréfaction" Mt 23,27. On nettoie continuellement l'extérieur de la coupe pour paraître propre aux hommes Luc 11,39; Mt 23,25-26.

Mais comme il arrive pour les Pharisiens, ce mensonge continuel dans lequel ils vivent ne les humilie nullement. Au contraire leur perfection extérieure les remplit d'assurance quant à leur supériorité. Le signe le plus caractéristique des Européens, c'est l'orgueil ! Ils voient d'en haut tous les autres peuples qu'ils considèrent comme "non-civilisés" ou "sous-développés"

Il se peut que certains parmi eux s'intéressent beaucoup aux besoins des autres. Les individus, les groupes ou les nations et surtout les sous-développés pour lesquels ils nourrissent des sentiments de pitié. Mais au fond, ils s'intéressent aux autres comme un entomologiste s'intéresse aux insectes. Ils ont pour les hommes des sentiments inférieurs à l'amour qu'ils ont pour un chien.

Ils ont de leur civilisation la même haute idée qu'ils ont d'eux-mêmes. Ils n'acceptent rien sans le passer au crible de leur esprit critique dont ils sont fiers. Ils considèrent comme relatives toutes les valeurs, même celles qu'ils acceptent, et discutent avec une apparente profondeur de tout ce que l'humanité a cru.

Leur attitude habituelle est celle des agnostiques bien disposés qui sont prêts à être d'accord avec vous, en vous laissant comprendre, naturellement, qu'on ne peut rien prouver à tout ce que vous leur dites, et que par conséquent, vous les indifférez.

Il y a pourtant une seule chose qui ne passe jamais par l'esprit de ces agnostiques : c'est de mettre en doute la valeur de leur civilisation. Jamais une civilisation ne fut supérieure à la leur. Il se peut qu'ils remettent en cause ou discutent ou contestent différents problèmes d'ordre partiel et mineurs concernant leur culture, et que dans le détail, ils parviennent même à exprimer de fortes oppositions, mais jamais ils ne mettent en doute la justesse de la ligne générale de leur civilisation.

La civilisation de l'Europe est basée sur une religion, une religion que personne ne veut appeler ainsi, car il ne s'agit pas du culte d'une ou de plusieurs divinités, mais du culte de l'homme.

La religion des anciens Grecs et leur civilisation n'étaient rien d'autre que le culte de l'homme. Si la civilisation de la Grèce antique a trouvé un tel écho dans le cœur des Européens, c'est justement à cause de cette ressemblance intérieure.

Comme les anciens Grecs, ainsi les Européens ont divinisé la raison de l'homme, ses passions, ses forces psychiques et ses faiblesses. En un mot, ils ont fait de l'homme le centre, la mesure, et le but de tout. C'est en l'homme que la civilisation de l'Europe prend sa source. Elle existe pour l'homme et tire de l'homme sa justification.

Il se peut qu'il y ait discorde quant aux moyens par lesquels se réalisera l'amélioration de la vie de l'homme. Il se peut qu'il y ait des différences dans la manière de rendre le culte à l'homme. Il se peut qu'en prenant l'homme comme mesure on arrive à certains résultats, mais toujours et pour tout, l'homme est le centre autour duquel tout gravite, la source de leur inspiration et le but de leur effort.

Telle est l'Europe.

Quelle que soit la religion qu'il croit posséder, au fond sa religion n'est autre que l'adoration de l'idole homme. L'Européen a cessé de voir en l'homme l'image de Dieu. Il y voit simplement l'image de lui-même.

En d'autres termes, la religion de l'Europe, c'est la vieille religion de l'humanité, celle qui a séparé l'homme de Dieu. Le but de Dieu, c'est de déifier l'homme. Mais l'homme égaré par le diable a cru qu'il pouvait devenir dieu sans la grâce du Créateur, de sa propre initiative et par ses propres efforts seulement. Il s'est empressé de goûter à l'arbre de la connaissance avant qu'il soit mûr pour une telle nourriture.

Le résultat fut que ses yeux s'ouvrirent et qu'il connut le bien et le mal, vit sa nudité corporelle et spirituelle et en fut effrayé. Il ne supporta plus de regarder (en face) le Seigneur son Dieu et courut se cacher loin de sa Face. Il comprit qu'un grand abîme s'ouvrait entre lui et son Créateur. Alors le Père miséricordieux maudit la première cause de la catastrophe: le diable, "le serpent ancien". Dans son immense Amour Il promit déjà le salut : "Et Je mettrai l'inimitié entre toi (le serpent, le diable) et la femme (la sainte Vierge) et entre ta postérité et sa postérité (le Christ). "Celui-ci t'écrasera la tête et tu lui blesseras le talon" Gen 3,15. Et pour que l'homme ne vive pas éternellement dans cet état de mort spirituelle, Il le chassa du paradis "de peur qu'il n'étende la main et ne prenne du fruit de l'arbre de la Vie, qu'il en mange et qu'il vive dans les siècles" Gen 3,22. Dieu permit ainsi, par miséricorde et amour, la mort corporelle et la corruption, lesquelles, comme la mort spirituelle, ont été la conséquence de la rupture du contact (de l'homme) avec la source de la Vie, pour que l'âme ne reste pas pendant les siècles dans sa mortification spirituelle, son malheur et sa nudité. Ainsi l'homme séparé de Dieu et vivant la réalité continuelle de la mort est devenu esclave du diable.

C'était donc par réaction à l'expérience de sa nullité que l'homme a adoré l'homme en le proclamant dieu. En effet, les anciens avaient enseigné que l'âme était une partie de la substance divine, c'est-à-dire qu'elle est divine par essence et par conséquent n'a pas besoin de Dieu.

Cette volonté intérieure de l'homme de croire à sa propre divinité conjointe à l'effet de sa soumission aux puissances sataniques est la base de toute idolâtrie.

La religion de l'Europe n'est autre que cette idolâtrie primitive sous une forme moderne.

Papisme, protestantisme, humanisme, athéisme démocratie, fascisme, capitalisme, communisme, etc, et beaucoup d'autres choses nées en Europe, sont des expressions du même esprit "humanolâtre". La civilisation de l'Europe n'est pas autre chose que le résultat d'un effort constant et angoissant de l'homme de dresser son trône au-dessus du trône de Dieu. Il ne s'agit de rien d'autre que de la construction d'une nouvelle tour de Babel dans laquelle domine la confusion quant à la façon de la construire, bien que le but reste commun à tous.

L'idéal de l'Européen s'identifie avec l'idéal de Lucifer. Au fond, c'est le même mépris de la Bonté de Dieu, la même insulte envers son Amour, la même révolte et éloignement de sa Providence, la même ingratitude, la même marche dans le désert qui, au lieu de conduire l'homme en haut, où il croit aller, le conduit vers l'abîme de la mort.