Les bases de la foi ecclésiologique orthodoxe


Le trait essentiel de l'Orthodoxie est, qu'elle unit ses fidèles dans une fois à laquelle JAMAIS rien n'a été ajouté, dont rien n'a JAMAIS été retranché, dans laquelle JAMAIS rien n'a été modifié, et qui est identiquement et absolument la même, telle qu'elle fut prêchée par les premiers disciples du Christ.

Notre coup d’œil devra donc être une synthèse, -non pas de l’Orthodoxie comme d’une branche quelconque du christianisme,- mais du christianisme lui-même, dont l’expression, selon la compréhension orthodoxe, se trouve être l’Eglise, la Sainte Eglise, non pas seulement comme motif de crédibilité, mais comme objet même de la foi. Ce qui veut dire qu’elle n’est pas du tout une construction déterminée par une question de droit, mais par la simple présence d’un FAIT. Ceci est caractéristique pour la compréhension orthodoxe.

L’Occident ne voit dans la chrétienté orthodoxe que « des églises », conception qui entraîne des erreurs immenses. Nous venons ici pour tâcher de vous faire saisir ce quelque chose que l’esprit occidental n’a pas aperçu, ce point vital qui est l’essence même de l’Eglise Une et Indivisible selon la conception orthodoxe. C’est l’Eglise Une et Entière, sans distinction de races et de nationalités, l’Eglise dans son UNIVERSALITE, que nous allons tâcher ici de rendre accessible à votre compréhension.



LA TRADITION DANS L'EGLISE ANCIENNE 8/9




L'Eglise, interprète de l'Ecriture



L'Eglise avait autorité pour interpréter l'Ecriture, puisqu'elle était la seule dépositaire authentique du kerygma apostolique. Ce kérygme était infailliblement gardé vivant dans l'Eglise, parce qu'elle avait le don du Saint Esprit. L'Eglise continuait d'enseigner viva voce, de vive voix, pour répandre et promouvoir la Parole de Dieu. Et la voix vivante de l'Evangile (viva vox Evangelii) ne consistait pas simplement dans la récitation des mots de l'Ecriture. C'était la proclamation de la Parole de Dieu, telle qu'elle était écoutée et conservée dans l'Eglise, par le pouvoir de l'Esprit vivifiant qui ne cessait pas d'habiter en elle. Hors de l'Eglise et des ministres réguliers qu'elle consacrait, successeurs des Apôtres, il n'y avait ni proclamation véridique de l'Evangile, ni saine prédication, ni vraie compréhension de la Parole de Dieu. Et c'est pourquoi il était vain de chercher la vérité ailleurs et en dehors de l'Eglise catholique et apostolique. Telle est la conviction unanime de l'Ancienne Eglise, de saint Irénée jusqu'à Chalcédoine, et au-delà.

Saint Irénée était formel sur ce point. Dans l'Eglise, les Apôtres ont assemblé la plénitude de la vérité : «Ils lui confièrent surabondamment tout ce qui touche à la vérité [50]». Bien sûr, l'Ecriture elle-même forme la majeure partie de ce «dépôt» apostolique. De même l'Eglise. L'Eglise et l'Ecriture ne pouvaient être séparées ou opposées l'une à l'autre. L'Ecriture, c'est-à-dire sa vraie intelligence, n'était que dans l'Eglise, dans la mesure où l'Esprit Saint la guidait.

Origène insiste constamment sur cette unité de l'Ecriture et de l'Eglise. La tâche de l'interprète est d'expliquer la parole de l'Esprit : «Nous devons prendre garde, quand nous enseignons, de ne pas présenter nos interprétations personnelles, mais celles du Saint Esprit [51]». Or cela est proprement impossible en dehors de la Tradition Apostolique, conservée dans l'Eglise. Origène insiste sur l'interprétation catholique de l'Ecriture, telle que la présente l'Eglise : «Ecoutant dans l'Eglise la parole de Dieu expliquée catholiquement [52]...» Ce que les hérétiques, précisément, méconnaissent dans leur exégèse, c'est la vraie «intention», la voluntas de l'Ecriture : «Celui qui présente les paroles de Dieu sans suivre l'intention des Ecritures ni la vérité de la foi, sème du blé et récolte des épines [53]».

L'«intention» de la Sainte Ecriture et la «Règle de foi» sont intimement liées et se répondent l'une à l'autre. Telle était la position des Pères du Quatrième siècle et des suivants, en plein accord avec l'enseignement des Anciens. Avec son acuité et sa véhémence coutumière, saint Jérôme, ce géant de l'Ecriture, exprime la même idée :

Marcion, Basilides et les autres hérétiques... n'ont pas l'Evangile de Dieu, parce qu'ils n'ont pas le Saint Esprit sans lequel l'Evangile qu'on prêche devient chose humaine. Selon nous, l'Evangile ne réside pas dans les mots de l'Ecriture, mais dans leur sens ; non dans la surface, mais dans la moëlle, non dans les feuilles des propos, mais dans la racine de leur sens. Voici quand l'Ecriture est aux auditeurs d'une réelle utilité : quand elle n'est pas prononcée sans le Christ, ni expliquée sans les Pères et que ceux qui la prêchent ne l'introduisent pas sans l'Esprit... On court un grand danger à parler dans l'Eglise, car il se pourrait faire que, par une interprétation perverse, l'Evangile du Christ devienne un évangile de l'homme... (In Galat. 1, 1, 2 ; PL 26, 386).



 
Ici se manifeste, comme à l'époque de saint Irénée, de Tertullien et d'Origène, la même préoccupation pour la vraie compréhension de la Parole de Dieu. Il se peut que saint Jérôme n'ait fait que paraphraser Origène. Hors de l'Eglise il n'est pas d'Evangile divin, il n'est que de simples substituts humains. Le vrai sens de l'Ecriture, le sensus Scripturae, c'est-à-dire le message divin, ne peut être perçu que «en liaison avec la vérité de la foi» (juxta fidei veritatem), sous la conduite de la règle de foi. La «vérité de foi» (veritas fidei) est, dans ce contexte, la confession de foi trinitaire. L'approche est la même que chez saint Basile. Saint Jérôme parle, avant tout, de la proclamation de la Parole qui a lieu dans l'Eglise : «Elle est utile aux auditeurs» (audientibus utilis est).

[50] Plenissime in eam contulerint omnia quae sunt veritatis, Contre les Hérésies, 3, 4, 1.

[51] Hoc observare debemus ut non nostras, cum docemus, sed Sancti Spiritus sententias proferamus. In Rom., 1, 3, 1.

[52] Audiens in Ecclesia verbum Dei catholice tractari, Homélies sur le Lévitique, 4.5.

[53] Qui enim neque juxta voluntatem Scripturarum neque juxta fidei veritatem profert eloquia Dei, seminat triticum et metit spinas. Homélies sur Jérémie, 7, 3.

 
   

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