Les bases de la foi ecclésiologique orthodoxe


Le trait essentiel de l'Orthodoxie est, qu'elle unit ses fidèles dans une fois à laquelle JAMAIS rien n'a été ajouté, dont rien n'a JAMAIS été retranché, dans laquelle JAMAIS rien n'a été modifié, et qui est identiquement et absolument la même, telle qu'elle fut prêchée par les premiers disciples du Christ.

Notre coup d’œil devra donc être une synthèse, -non pas de l’Orthodoxie comme d’une branche quelconque du christianisme,- mais du christianisme lui-même, dont l’expression, selon la compréhension orthodoxe, se trouve être l’Eglise, la Sainte Eglise, non pas seulement comme motif de crédibilité, mais comme objet même de la foi. Ce qui veut dire qu’elle n’est pas du tout une construction déterminée par une question de droit, mais par la simple présence d’un FAIT. Ceci est caractéristique pour la compréhension orthodoxe.

L’Occident ne voit dans la chrétienté orthodoxe que « des églises », conception qui entraîne des erreurs immenses. Nous venons ici pour tâcher de vous faire saisir ce quelque chose que l’esprit occidental n’a pas aperçu, ce point vital qui est l’essence même de l’Eglise Une et Indivisible selon la conception orthodoxe. C’est l’Eglise Une et Entière, sans distinction de races et de nationalités, l’Eglise dans son UNIVERSALITE, que nous allons tâcher ici de rendre accessible à votre compréhension.



LA TRADITION DANS L'EGLISE ANCIENNE 4/9


La « Regula Fidei »



Dans l’Eglise Primitive, la Tradition était avant tout un principe et une méthode d’interprétation. On ne pouvait peser et comprendre l’Ecriture de manière pleine et correcte que dans la lumière et le contexte de la tradition apostolique vivante, qui était un facteur à part entière de l’existence chrétienne. Il en allait ainsi, non que la Tradition pût ajouter quoi que ce fût à ce qui avait été révélé dans l’Ecriture, mais parce que cette Tradition fournissait le contexte vivant, la perspective intégrale, dans lesquels seulement la véritable « intention » et le projet global de la Sainte Ecriture, de la Révélation Divine elle-même, se laissait percevoir et saisir.

La vérité était, pour saint Irénée, un «système aux bases solides», un corpus [22], une «harmonie mélodieuse [23]». Toutefois cette harmonie même exigeait, pour être saisie, la vision de la foi. De fait, la tradition ne se réduisait pas à la transmission de doctrines reçues en héritage, d’une manière «judaïque», mais elle était vie continue dans la vérité [24]. Elle représentait, non un noyau fixe ou un complexe de propositions contraignantes, mais la vision profonde du sens et des conséquences des événements de la révélation, de la manifestation du «Dieu qui agit». Et ce point fut déterminant dans le domaine de l’exégèse biblique. G.L. Prestige l’a bien exprimé : « La voix de la Bible ne pouvait être clairement entendue que si l’on interprétait son texte d’une manière globale et sensée, en accord avec le credo apostolique et les données de la réalité historique de la chrétienté. C’étaient les hérétiques qui s’appuyaient sur des textes isolés, et les catholiques qui se montraient plus attentifs, en définitive, aux principes de l’Ecriture [25] ».



Résumant sa consciencieuse analyse du recours à la Tradition dans l’Eglise des premiers temps, le Docteur Ellen Flesseman-van-Leer écrit : « L’Ecriture sans interprétation n’est en aucune façon Ecriture ; c’est toujours comme Ecriture interprété qu’elle se trouve mise en œuvre et qu’elle devient vivante ». Cependant, l’Ecriture doit être interprétée «selon son propre projet de base», que fait connaître la regula fidei. Ainsi, cette regula devient, pour ainsi dire, la pierre de touche de l’exégèse. «La véritable interprétation de l’Ecriture réside dans la prédication de l’Eglise, dans la tradition [26] ».





[22] Veritatis corpus, Ibid., 2, 27, 1.

[23] Ibid., 2, 38, 3.

[24] Cf. Dom Odo Casel, O.S.B., «Benedict von Nursia als Pneumatiker», Heilige Überlieferung, Münster 1938, p. 100-101: Die heilige Überlieferung ist daher in der Kirche von Anfang an nicht bloss ein Weitergeben von Doktrinen nach spätjudischen (nachchristlicher) Art gewesen, sondern ein lebendiges Weiterblühen des göttlichen Lebens. Dans une note, Dom Casel renvoie le lecteur à John Adam Mölher.

[25] G.L. Prestige, Fathers and Heretics, London 1940, p. 43.

[26] Flesseman, op.cit., p.92-96. Sur saint Irénée, voir ibid., 100-144 ; van den Eynde, op. cit., 159-187 ; B. Reynders, «Paradosis, le progrès de l’idée de tradition jusqu’à saint Irénée », Recherches de théologie ancienne et médiévale, 5, 1993, p. 155-191 ; «La polémique de Saint Irénée », ibid., 7, 1935, p. 5-27 ; Henri Holstein, «La Tradition des Apôtres chez saint Irénée», Recherches de Science religieuse, 36, 1949, p. 229-270 ; La Tradition dans l'Eglise, Paris 1960 ; André Benoît, «Ecriture et Tradition chez Saint Irénée», Revue d'histoire et de philosophie religieuse, 40, 1960, 32-43 ; Saint Irénée, Introduction à l'étude de sa théologie, Paris 1960.


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