Les bases de la foi ecclésiologique orthodoxe


Le trait essentiel de l'Orthodoxie est, qu'elle unit ses fidèles dans une fois à laquelle JAMAIS rien n'a été ajouté, dont rien n'a JAMAIS été retranché, dans laquelle JAMAIS rien n'a été modifié, et qui est identiquement et absolument la même, telle qu'elle fut prêchée par les premiers disciples du Christ.

Notre coup d’œil devra donc être une synthèse, -non pas de l’Orthodoxie comme d’une branche quelconque du christianisme,- mais du christianisme lui-même, dont l’expression, selon la compréhension orthodoxe, se trouve être l’Eglise, la Sainte Eglise, non pas seulement comme motif de crédibilité, mais comme objet même de la foi. Ce qui veut dire qu’elle n’est pas du tout une construction déterminée par une question de droit, mais par la simple présence d’un FAIT. Ceci est caractéristique pour la compréhension orthodoxe.

L’Occident ne voit dans la chrétienté orthodoxe que « des églises », conception qui entraîne des erreurs immenses. Nous venons ici pour tâcher de vous faire saisir ce quelque chose que l’esprit occidental n’a pas aperçu, ce point vital qui est l’essence même de l’Eglise Une et Indivisible selon la conception orthodoxe. C’est l’Eglise Une et Entière, sans distinction de races et de nationalités, l’Eglise dans son UNIVERSALITE, que nous allons tâcher ici de rendre accessible à votre compréhension.



Horos du concile de Chalcédoine (451)



HOROS DU CONCILE DE CHALCEDOINE



1. Suivant donc les saints Pères,

2. confesser un seul et le même Fils,

3. Notre Seigneur Jésus-Christ,

4. nous l'enseignons tous unanimement

5. le même parfait en divinité,

6. le même parfait en humanité,

7. vraiment Dieu et vraiment homme,

8. le même composé d'une âme raisonnable et d'un corps,

9. consubstantiel au Père selon la divinité,

10. et consubstantiel à nous, le même, selon l'humanité,

11. semblable à nous en tout sauf le péché,

12. avant les siècles engendré du Père selon la divinité,

13. et aux derniers, jours,

14. le même pour nous et pour notre salut,

15. de Marie la Vierge, l'Enfantrice de Dieu selon l'humanité,

16. un seul et le même Christ, Fils, Seigneur, Unique Engendré,

17. reconnu en deux natures

18. sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation,

19. la différence des natures n'étant aucunement supprimée par l'union,

20. mais la propriété de chaque nature étant bien plutôt sauvegardée

21. et concourant en une seule personne et une seule hypostase,

22. non partagé et divisé en deux personnes,

23. mais étant un seul et le même fils unique-engendré,

24. Dieu, Verbe, Seigneur Jésus-Christ,

25. comme les prophètes de longtemps à son sujet

26. et lui-même, Notre Seigneur Jésus-Christ, l'ont enseigné

27. et comme nous l'a transmis le symbole des Pères.


 
source : http://www.forum-orthodoxe.com/~forum/viewtopic.php?f=8&t=2428#p17032
 
 

LA CONFESSION DE FOI de saint Marc d’Ephèse



LA CONFESSION DE FOI

De saint Marc d’Ephèse

Αγιος Μαρκος Ο Ευγενικος 
 
 
 
 
Nourri, par la grâce de Dieu, dans les dogmes de la piété, et suivant en tout et par tout l’Eglise sainte et catholique, je crois et je confesse Dieu le Père, seul sans origine ni cause, mais source et cause du Fils et du Saint Esprit : car de Lui naît le Fils, et lui procède l’Esprit, sans que le Fils contribue en rien à la procession, parce que l’Esprit non plus ne contribue nullement à la Génération, ou parce que leurs Provenances sont simultanées et conjointes l’une à l’autre, comme l’enseignent les Pères théologiens (saint Jean Damascène, De Fide 1, 8). Car c’est aussi pour cela que l’Esprit Saint est dit procéder par le Fils, c’est-à-dire avec le Fils, et comme le Fils, quoique non par engendrement comme ce dernier. Mais le Fils n’est pas dit engendré par l’Esprit, de peur que, le nom du Fils étant un terme relatif, on n’aille croire qu’il est le Fils de l’Esprit.

Il s’ensuit également que l’Esprit est dit Esprit du Fils à cause de leur identité de nature et du fait que c’est par le Fils que l’Esprit est apparu et qu’il est donné aux hommes ; mais le Fils n’est pas et pas dit Fils de l’Esprit, selon Grégoire de Nysse.

Que si l’expression "procéder par le Fils" indiquait, comme le prétendent les néo-théologiens, la cause de l’Esprit, et non le fait qu’il resplendit par le Fils, qu’il est apparu par lui, et, absolument parlant, le faite qu’ils sortent tous deux conjointement et s’entr’accompagnent selon les mots de Damascène (De Fide 1,7), le héraut de Dieu, jamais les théologiens que voici ne refuseraient à l’unanimité, et en termes exprès, le rôle de cause au Fils.

L’un de déclarer en effet : "Le Père est seule source", c'est-à-dire seule cause "de la Divinité suressentielle" et c’est en quoi il se distingue du Fils et de l’Esprit (Denys l'Aréopagite. Des noms divins; 2,5).

Un autre : "Seul inengendré et seule source de la divinité : le Père" c'est-à-dire que seul il est cause aussi bien que seul non-causé ( Athanase d'Alexandrie. Contre les Sabelliens; 2).

Un troisième : "Le tout du Père est au Fils sauf d’être cause" (Grégoire le Théologien. Discours 34;10.)

Un autre affirme que : "les gens de Rome non plus ne font pas du Fils la cause de l’Esprit"
(Maxime le Confesseur. Lettre à Marin; PG 91,136 ).

Tel autre que : "Le Père est le seul causateur" ; le même, ailleurs : " Pour le Fils, nous le disons point cause ni Père" ; ailleurs, encore : "Tout ce qu’implique la notion de source, de cause, de géniteur, ne doit s’appliquer qu’au Père seul" (Jean Damascène. De Fide; 1,12 ).

Non, jamais Damascène, qui est extrêmement précis dans sa théologie, attribuant le "par" au Fils, ne bannirait le "de, issu de" comme il le fait dans son traité théologique au chapitre huit, en ces termes : "Nous ne disons pas Esprit issu du Fils mais nous le nommons Esprit du Fils et confessons que c’est par le Fils qu’il est manifesté et nous est transmis" (PG 94, col.849) ; puis de nouveau, au chapitre treize du même ouvrage : "Esprit du Fils, non comme issu de lui, mais comme procédant par lui du Père ; car le Père est seul causateur" (Idem. Col.849). Ensuite, dans l’Epître à Jordan, vers la fin : "Esprit enhypostatique, fruit de la procession, fruit de la projection ; venant par le Fils, et non du Fils, comme le Souffle de la Bouche de Dieu, héraut annonciateur de Verbe" (PG 95, 60). Enfin, dans l’homélie sur l’ensevelissement du corps théandrique du Seigneur où il s’exprime ainsi : "Esprit Saint de Dieu le Père, parce qu’il procède de lui, il est également appelé Esprit du Fils, non qu’il tire de celui-ci son existence, mais parce qu’il est manifesté par le Fils et par lui transmis à la création" (PG 96, 605).

Car il est bien clair que partout où la préposition "par" indique un moyen terme causant et une cause prochaine, comme les latins veulent que ce soit le cas ici, elle équivaut absolument à la préposition "de" et les deux tours s’emploient indifféremment ; ainsi "j’ai acquis un homme par Dieu" (Gen. 4.1) revient au même que "de Dieu" ; et "l’homme vient par la femme" (Cor. 11, 12) veut dire "de la femme".

Il en résulte que dans les cas où la préposition "de" est proscrite, l’idée de cause se trouve évidemment proscrite avec elle.

Reste donc que les mots "procéder du Père par le Fils" signifient dans le style de la théologie succincte, que l’Esprit qui procède du Père, est rendu manifeste, se fait connaître, resplendit ou apparaît par le Fils.


"Tel est en effet, dit Basile le Grand, le signe lui appartenant, auquel se reconnaît sa propriété hypostatique : c'est d'être connu avec le Fils et conjointement à lui, et de tirer du père son existence hypostatique" (Lettre 38,4). Voilà donc ce que l'expression "par le Fils" veut encore dire: le fait d'être connu avec lui. En effet, on n'attribue ici à l'Esprit nulle autre propriété singulière par rapport au Fils, que le fait d'être connu avec Lui ; et nulle autre, par rapport au Père, que le fait de tirer de Lui son existence hypostatique. Si donc le propre, à strictement parler, n'a pour corrélatif que cela précisément dont il est le propre, l'Esprit Saint n'a pas d'autre relation au Fils que le fait "d'être connu avec lui"; de même qu'il n'a pas d'autre relation au Père, que le fait de tirer de lui son existence hypostatique.

Ce n'est donc pas du Fils que l'Esprit Saint tire son existence hypostatique ou qu'il tient l'être. S'il en allait autrement, en effet, qu’est ce qui empêcherait de dire "par le Fils procède l'Esprit Saint", exactement comme on dit: "par le Fils tout est venu à l'être"? Or, tandis que cette dernière formule se dit effectivement, la préposition "par" étant mise pour "de", la première, en revanche ne se dit pas, et on ne saurait nulle part la trouver telle quelle, sans mention du Père ; car on dit toujours "du Père par le Fils". Et ces mots ne confèrent pas nécessairement le rôle de cause au Fils; c'est aussi pourquoi l'expression "du Fils" au sens de "issu du Fils" est absolument introuvable et explicitement proscrite.


II) Les voix des Pères et des Docteurs occidentaux qui attribuent au Fils la cause de l'Esprit, je ne les reconnais ni ne les accepte - car elles n'ont jamais été seulement traduites en notre langue ni examinées par les conciles œcuméniques et je présume qu'elles ont été falsifiées et altérées; té¬moin, entre mille, ce texte* du septième concile œcuménique présenté par eux tout récemment, dont le credo comporte l'addition faite au Symbole; lu en séance, ce document les a inondés de honte, et de quelle honte, les personnes alors présentes le savent. Par le fait, jamais ces Pères n'ont pu dire dans leurs écrits le contraire des conciles œcuméniques et de leurs dogmes communs, ni s'y opposer aux docteurs d'Orient, ni même simplement diverger d'avec eux, comme tant d'autres passages de ces mêmes Pères en font foi.

C'est pourquoi je condamne comme inauthentiques ce genre de témoignages périlleux sur la procession du Saint Esprit, et, m'accordant à saint Jean Damas¬cène, je ne dis pas l'Esprit issu du Fils, quand même un autre, quel qu'il soit, semblerait le dire; je ne dis pas non plus le Fils cause ni projeteur de l'Esprit, crainte de reconnaitre dans la Trinité un second causateur et par là deux causateurs et deux principes.

Alors, en effet, la cause n'est pas même un attri¬but de l'essence - auquel cas elle serait une et commune aux trois Personnes - et c'est pourquoi, par aucun biais ni aucun moyen, les latins ne pourront échapper aux deux principes, tant qu’ils diront que le Fils est principe de l'Esprit. Or, être principe est un attribut personnel, et qui distingue les personnes entre elles.

* Les Latins présentèrent, en effet, un manuscrit, qu'ils disaient fort ancien, des Actes du VIe Concile, comportant le "filioque". Les orthodoxes n'eurent aucun mal à prouver qu'il s'agissait d'un faux.



III) Suivant donc en tout les sept conciles œcuméniques et les Pères qui y ont brillé de l'éclat de la sagesse divine :

Je crois en un seul Dieu, le Père tout -puissant, Créateur du ciel et de la terre et de toutes les choses visibles et invisibles.

- Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait.

-Qui, pour nous hommes, et pour notre salut, est descendu des cieux, s'est incarné du Saint Esprit et de Marie la Vierge et s'est fait homme.

-Il a été crucifié pour nous sous Ponce -Pilate, a souffert et a été enseveli et il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures.

-Et il est monté au ciel et siège à la droite du Père, d'où il reviendra en gloire juger les vivants et les morts et son règne n'aura point de fin.

-Et en l'Esprit Saint, Seigneur, qui donne la vie, qui procède du Père, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les prophètes.

-En l'Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Je confesse un seul baptême en rémission des péchés. J'attends la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Amen.

 
IV) Cette doctrine et ce Symbole sacré de la Foi exposés par les premier et second conciles, ratifiés et confirmés par tous les autres, je les accepte et je les garde de toute mon âme; je reconnais et j'embrasse également, outre les sept conciles susdits, le concile qui s’est réuni ensuite, sous le règne du pieux empereur de Rome Basile et le patriarcat du très saint Photios et qu'on appelle même huitième œcuménique*; avec la participation des représentants de Jean, le bienheureux pape de l'ancienne Rome, -j'ai nommé les évêques Paul et Eugène et le prêtre et cardinal Pierre-, ce concile tout d'abord a ratifié et proclamé le septième concile œcuménique et décrété de le mettre au rang des précédents; en second lieu il a rétabli sur son trône le très saint Photios. Enfin il a condamné et anathématisé, exactement comme les conciles antérieurs, ceux qui osent innover en ajoutant, ôtant ou modifiant quoi que ce soit du Symbole énoncé ci-dessus: "Celui qui osera déclare-t-il en effet, composer un autre symbole que celui-là, ou faire à ce Symbole sacré une addition ou une soustraction, et aura l'audace de l'appeler règle de foi, qu'il soit condamné et rejeté de toute communion chrétienne" (Mansi. Tome 17 ; col. 520 E).

Le pape Jean, écrivant au très saint Photios, dit la même chose, de façon plus développée et plus claire encore, au sujet de l'addition faite au Symbole. Ajoutons que ce concile a édicté des canons qui se trouvent dans tous les recueils canoniques.

* Concile de 879 à Constantinople. Le témoignage de Marc d'Ephèse est ici important. Il montre que ce Concile, qui a condamné le "filioque" et le papisme, est considéré par l'Eglise Orthodoxe comme le vrai huitième Concile Œcuménique.


V) Conformément donc aux décrets de ce concile et des précédents, je juge qu'il faut garder immuable le Symbole sacré de la Foi, tel qu'il a été exposé; et recevant ceux que les conciles ont reçus, rejetant ceux qu’ils ont rejetés, je n'entrerai jamais en communion avec ceux qui ont osé ajouter dans le Symbole l'innovation relative à la procession du Saint Esprit, tant qu'ils persisteront dans ce genre d'innovations. Il est dit en effet: "Que celui qui communique avec un excommunié soit lui-même excommunié".

Et le divin Chrysostome, expliquant les paroles de l'Apôtre: " Si quelqu'un vous annonce un évangile qui diffère de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème!" déclare ceci: "L'Apôtre n'a pas dit: "s’ils vous annoncent le contraire" ni "s'ils mettent tout sens dessus-dessous", non; mais bien "Quand même leur évangile ne diffèrerait que pour un détail, de celui que vous avez reçu; quand même ils ne dérangeraient que l'accessoire, qu'ils soient anathème!". Le même dit encore: «Il faut tempérer, non transgresser la loi" (Commentaire Ep. aux Gal. 1,7.).

Et Basile le Grand, dans ses "Ascétiques": "C'est manifestement déchoir de la foi et faire preuve d'orgueil, que de condamner une des choses écrites ou d'en introduire de non écrites, alors que Notre Seigneur Jésus Christ a dit: "Mes brebis entendent ma voix", et un peu auparavant: "Elles ne suivront pas un étranger, mais fuiront de devant lui, car elles ne connaissent pas la voix des étrangers". Et il écrit aux moines: "Ceux qui font semblant de confesser la Vraie Foi et communient avec les hétérodoxes, si après avoir été avertis, ils ne rompent pas cette communion, non seulement il ne faut pas avoir de relation avec eux, mais même ne plus les nommer frères" (PG 31, 680).

Et avant ces Pères, Ignace le théophore écrivait au divin Polycarpe de Smyrne: "Quiconque parle contre les ordonnances, quand même il serait de bonne foi pratiquerait le jeûne, garderait la virginité, opérerait des miracles ou ferait des prophéties, considère-le comme un loup, travaillant sous une peau de brebis, à la mort des brebis".

Et que servirait de parler davantage?

Tous les docteurs de l'Eglise sans exception, tous les conciles et toutes les divines Ecritures exhortent à fuir les hétérodoxes et à se départir de leur communion.

Et je les mépriserai tous et toutes pour m'en aller suivre ceux qui appellent à l'union sous le prétexte d'une paix factice? Ceux qui ont falsifié le Symbole divin et sacré et admettent le Fils comme second causateur du Saint Esprit?

Car je laisse de côté pour le moment les autres absurdités dont une seule eût suffit pour nous faire rompre avec eux.

Puissé-je, Consolateur, Toi qui es bonté, ne jamais connaître ce sort, ni devenir à ce point étranger à moi-même et aux raisonnements convenables!
Puissé-je, attaché à Ton enseignement et à celui des hommes bienheureux que tu inspiras, faire à mes Pères une seule addition - la seule chose que je remporterai d'ici - la piété !



L'IDOLATRIE CONTEMPORAINE A. Kalomiros


L'idôlatrie contemporaine
Alexandre Kalomiros



L'Européen est caractérisé par un terrible antagonisme : l'opposition de l'homme extérieur et de l'homme intérieur. L'Européen est différent dans les apparences de ce qu’il est réellement. Il vit et se meut dans le mensonge du conventionnel. Toute sa civilisation est une addition de mensonges conventionnels auxquels il s'est adapté. Il est égocentrique à l'extrême, mais il se comporte avec les autres avec une politesse absolue, presque recherchée.

Dans les pays sous-développés, là où les hommes n'ont pas encore la sophistication de la civilisation européenne, chacun exprime peu ou prou son monde intérieur avec une certaine liberté et simplicité qu'on ne retrouve pas en Europe. Leurs manières sont abruptes, mais les hommes sont plus vrais. En Europe, ceci est tenu pour un manque de civilisation et de développement spirituel. Ainsi, on en est arrivé à considérer que la civilisation se trouve dans le jeu continuel de l'hypocrisie, ce "sépulcre blanchi, rempli de putréfaction" Mt 23,27. On nettoie continuellement l'extérieur de la coupe pour paraître propre aux hommes Luc 11,39; Mt 23,25-26.

Mais comme il arrive pour les Pharisiens, ce mensonge continuel dans lequel ils vivent ne les humilie nullement. Au contraire leur perfection extérieure les remplit d'assurance quant à leur supériorité. Le signe le plus caractéristique des Européens, c'est l'orgueil ! Ils voient d'en haut tous les autres peuples qu'ils considèrent comme "non-civilisés" ou "sous-développés"

Il se peut que certains parmi eux s'intéressent beaucoup aux besoins des autres. Les individus, les groupes ou les nations et surtout les sous-développés pour lesquels ils nourrissent des sentiments de pitié. Mais au fond, ils s'intéressent aux autres comme un entomologiste s'intéresse aux insectes. Ils ont pour les hommes des sentiments inférieurs à l'amour qu'ils ont pour un chien.

Ils ont de leur civilisation la même haute idée qu'ils ont d'eux-mêmes. Ils n'acceptent rien sans le passer au crible de leur esprit critique dont ils sont fiers. Ils considèrent comme relatives toutes les valeurs, même celles qu'ils acceptent, et discutent avec une apparente profondeur de tout ce que l'humanité a cru.

Leur attitude habituelle est celle des agnostiques bien disposés qui sont prêts à être d'accord avec vous, en vous laissant comprendre, naturellement, qu'on ne peut rien prouver à tout ce que vous leur dites, et que par conséquent, vous les indifférez.

Il y a pourtant une seule chose qui ne passe jamais par l'esprit de ces agnostiques : c'est de mettre en doute la valeur de leur civilisation. Jamais une civilisation ne fut supérieure à la leur. Il se peut qu'ils remettent en cause ou discutent ou contestent différents problèmes d'ordre partiel et mineurs concernant leur culture, et que dans le détail, ils parviennent même à exprimer de fortes oppositions, mais jamais ils ne mettent en doute la justesse de la ligne générale de leur civilisation.

La civilisation de l'Europe est basée sur une religion, une religion que personne ne veut appeler ainsi, car il ne s'agit pas du culte d'une ou de plusieurs divinités, mais du culte de l'homme.

La religion des anciens Grecs et leur civilisation n'étaient rien d'autre que le culte de l'homme. Si la civilisation de la Grèce antique a trouvé un tel écho dans le cœur des Européens, c'est justement à cause de cette ressemblance intérieure.

Comme les anciens Grecs, ainsi les Européens ont divinisé la raison de l'homme, ses passions, ses forces psychiques et ses faiblesses. En un mot, ils ont fait de l'homme le centre, la mesure, et le but de tout. C'est en l'homme que la civilisation de l'Europe prend sa source. Elle existe pour l'homme et tire de l'homme sa justification.

Il se peut qu'il y ait discorde quant aux moyens par lesquels se réalisera l'amélioration de la vie de l'homme. Il se peut qu'il y ait des différences dans la manière de rendre le culte à l'homme. Il se peut qu'en prenant l'homme comme mesure on arrive à certains résultats, mais toujours et pour tout, l'homme est le centre autour duquel tout gravite, la source de leur inspiration et le but de leur effort.

Telle est l'Europe.

Quelle que soit la religion qu'il croit posséder, au fond sa religion n'est autre que l'adoration de l'idole homme. L'Européen a cessé de voir en l'homme l'image de Dieu. Il y voit simplement l'image de lui-même.

En d'autres termes, la religion de l'Europe, c'est la vieille religion de l'humanité, celle qui a séparé l'homme de Dieu. Le but de Dieu, c'est de déifier l'homme. Mais l'homme égaré par le diable a cru qu'il pouvait devenir dieu sans la grâce du Créateur, de sa propre initiative et par ses propres efforts seulement. Il s'est empressé de goûter à l'arbre de la connaissance avant qu'il soit mûr pour une telle nourriture.

Le résultat fut que ses yeux s'ouvrirent et qu'il connut le bien et le mal, vit sa nudité corporelle et spirituelle et en fut effrayé. Il ne supporta plus de regarder (en face) le Seigneur son Dieu et courut se cacher loin de sa Face. Il comprit qu'un grand abîme s'ouvrait entre lui et son Créateur. Alors le Père miséricordieux maudit la première cause de la catastrophe: le diable, "le serpent ancien". Dans son immense Amour Il promit déjà le salut : "Et Je mettrai l'inimitié entre toi (le serpent, le diable) et la femme (la sainte Vierge) et entre ta postérité et sa postérité (le Christ). "Celui-ci t'écrasera la tête et tu lui blesseras le talon" Gen 3,15. Et pour que l'homme ne vive pas éternellement dans cet état de mort spirituelle, Il le chassa du paradis "de peur qu'il n'étende la main et ne prenne du fruit de l'arbre de la Vie, qu'il en mange et qu'il vive dans les siècles" Gen 3,22. Dieu permit ainsi, par miséricorde et amour, la mort corporelle et la corruption, lesquelles, comme la mort spirituelle, ont été la conséquence de la rupture du contact (de l'homme) avec la source de la Vie, pour que l'âme ne reste pas pendant les siècles dans sa mortification spirituelle, son malheur et sa nudité. Ainsi l'homme séparé de Dieu et vivant la réalité continuelle de la mort est devenu esclave du diable.

C'était donc par réaction à l'expérience de sa nullité que l'homme a adoré l'homme en le proclamant dieu. En effet, les anciens avaient enseigné que l'âme était une partie de la substance divine, c'est-à-dire qu'elle est divine par essence et par conséquent n'a pas besoin de Dieu.

Cette volonté intérieure de l'homme de croire à sa propre divinité conjointe à l'effet de sa soumission aux puissances sataniques est la base de toute idolâtrie.

La religion de l'Europe n'est autre que cette idolâtrie primitive sous une forme moderne.

Papisme, protestantisme, humanisme, athéisme démocratie, fascisme, capitalisme, communisme, etc, et beaucoup d'autres choses nées en Europe, sont des expressions du même esprit "humanolâtre". La civilisation de l'Europe n'est pas autre chose que le résultat d'un effort constant et angoissant de l'homme de dresser son trône au-dessus du trône de Dieu. Il ne s'agit de rien d'autre que de la construction d'une nouvelle tour de Babel dans laquelle domine la confusion quant à la façon de la construire, bien que le but reste commun à tous.

L'idéal de l'Européen s'identifie avec l'idéal de Lucifer. Au fond, c'est le même mépris de la Bonté de Dieu, la même insulte envers son Amour, la même révolte et éloignement de sa Providence, la même ingratitude, la même marche dans le désert qui, au lieu de conduire l'homme en haut, où il croit aller, le conduit vers l'abîme de la mort.


QUI SE SEPARA DE L'AUTRE ? Père B. Sakkas



QUI SE SEPARA DE L'AUTRE ?







On entend souvent des expressions comme celles-ci : "Quand l'orient se sépara de l'occident", "quand les orthodoxes se séparèrent de l'église romaine", "les grecs schismatiques" (voir Larousse) et maintenant, comme l'exige la courtoisie œcuménique..."les frères séparés"! Ainsi, dans la conscience des peuples occidentaux, se forma la conviction qu'en 1054, l'église orthodoxe de l'orient...se sépara de Rome "pour diverses raisons historiques et par la méchanceté des hommes".

Une mise au point est donc nécessaire. En réalité, nous ne nous sommes jamais séparés de qui que ce soit. En effet, le 34ème canon apostolique prescrit : "Les évêques de chaque nation doivent savoir qui est le premier d'entre eux, le considérer comme leur tête, et ne rien faire sans son opinion, mais faire seulement ce qui incombe à chacun dans son territoire et les pays qui lui sont annexés. Mais lui aussi (le premier) ne doit rien faire sans l'opinion de tous. C'est seulement de cette façon qu'il y aura la concorde et que Dieu sera glorifié par le Seigneur dans le saint Esprit..."Ainsi donc, la structure ecclésiale de l'orthodoxie est basée sur la tradition apostolique qui prescrit le système des Eglises autocéphales, structurées indépendamment les unes des autres, en "circuit fermé", si l'on peut dire, quant à leur administration et leurs affaires internes.

Aucune interdépendance juridique n'a jamais existé entre les Eglises autocéphales, chacune jouissant d'une complète autonomie. L'Eglise orthodoxe ne connaît pas et n'a jamais connu une autre forme de structure ecclésiale. Si par la suite différentes Eglises autocéphales, pour des raisons purement historiques et humaines, ont joui d'un certain prestige ou d'une certaine primauté (dans l'ordre chronologique suivant : Jérusalem - Antioche - Rome - Constantinople), ceci était d'ordre purement honoratif et moral, mais n'a jamais impliqué une suprématie canonique d'une Eglise locale par rapport à une autre Eglise locale, ni un centralisme concernant l'ensemble de l'Eglise.

Chaque Eglise locale constitue à elle seule l'image de la plénitude ecclésiale !

Telle a été depuis toujours la relation entre les Eglises orientales et occidentales, car à l'époque toutes les Eglises de l'occident (par exemple l'Eglise d'Espagne) n'étaient pas absorbées par Rome.

Nous ne connaissons pas et n'avons jamais connu un canon équivalent ayant prescrit une autre structure ecclésiale que celle définie par le 3ème canon apostolique susmentionné. Nous n'avons donc jamais été sous la tutelle juridique et canonique romaine de telle façon que l'on puisse nous imputer une "révolte", un "schisme", ou un "détachement" d'une hiérarchie supérieure. Nous n'avons jamais existé comme fraction d'une Eglise ayant un chef suprême sur la terre.

Nos relations avec Rome, à part une primauté en dignité stipulée par le 28ème canon du 4ème concile œcuménique, étaient des relations d'Eglises-sœurs, d'égale à égale, et nous n'avons jamais existé en tant que dépendance ou annexe de l'Eglise romaine.

Le canon en question dit : "Les pères ayant attribué l'ancienneté (ou la doyenneté) au trône de l'ancienne Rome, car il était dans une ville régnante..." et non à cause d'un prétendu droit divin découlant de la succession de saint Pierre.

Même si l'on prend au sérieux les contestations ultérieures des papes à ce sujet, il n'en est pas moins évident que, d'après les canons apostoliques et œcuméniques, "les grecs" n'ont jamais reconnu chez le pape de Rome autre chose qu'une primauté d'honneur PRIMUS INTER PARES (premier entre égaux). Mais si, dans l'antiquité, des papes ont prétendu à un "droit divin de primauté", ceci a toujours été repoussé par les Grecs (au sens large) comme une prétention unilatérale d'une Eglise locale. On ne peut donc pas parler d'une acceptation de l’Eglise indivise" sur les prétendus "droits divins" de l'évêque de Rome ; plusieurs papes ont d'ailleurs dénoncé cette idée comme complètement absurde.

Il n'y a donc jamais eu "coupure", "rupture" ou "séparation" canonique et juridique des Eglises orthodoxes du siège de Rome, pour la pure et simple raison que les Eglises orthodoxes ont toujours été "AUTOCEPHALES" et "AUTONOMES" depuis les origines de leur Tradition apostolique. Ce serait tout bonnement faire preuve d'ignorance que de supposer par exemple que l'autocéphalie et l'autonomie des Eglises orthodoxes est, soit un phénomène ultérieur et tardif, soit un élargissement de pouvoir local, concédé comme un avantage ou un privilège accordé par une hiérarchie dominante. L'autocéphalie des Eglises orthodoxes est donc née avec elles, elle fait partie intégrante de de leur hypostase.

Les patriarches de l'orient n'ont jamais été des... cardinaux, mais égaux du patriarche de l'occident. Les patriarches d'orient ont toujours été autonomes depuis leur origine au même titre que le patriarche d'occident ! (Que l'on excuse nos répétitions, mais il faut que l'on prenne enfin conscience !) Par conséquent, appeler les grecs "schismatiques" ne peut être qu'ignorance ou malhonnêteté théologique.

D'autre part : les ruptures entre l'orient et l'occident avant la date fatale de 1054 représentent une période de temps qui au total dépasse largement deux siècles. Ces ruptures ont été réitérées (nous indiquons ceci pour que l'on ne suppose pas que les grecs sont "tombés" dans le schisme par inadvertance !) Si ces ruptures ont été réitérées, c'est qu'elles ont été conscientes : ce qui prouve que les grecs d'avant 1054 ne considéraient pas comme une condition sine qua non de leur plénitude ecclésiale la communion in sacris avec l'ancienne Rome ! Ces ruptures ne pourraient pas s'expliquer si les grecs avaient considéré le pape comme le chef de l'Eglise catholique. Mais ces ruptures (et autres actes et attitudes que nous verrons plus loin) montrent bien que pour eux dès le début de l'Eglise indivise, l'interruption de la communion in sacris n'amoindrissait guère leur plénitude ecclésiale. Ils ne se sentaient pas mutilés à cause de cette interruption, mais pouvaient vivre dans la plénitude de la grâce soit avec le pape, soit sans lui.

Quand avons-nous jamais fait amende honorable au pape pour avoir méprisé sa fonction de soi-disant "chef infaillible de l'Eglise", "vicaire de Jésus Christ sur la terre" et "par droit divin successeur de l'apôtre saint Pierre", ou bien quand l'avons-nous reçu et confessé comme tel ?

Celui qui ignore avec quelle véhémence l'orient orthodoxe, pendant des siècles avant la date de 1054, a combattu les innovations dogmatiques et liturgiques de l'occident (Filioque, jeûne du samedi, célibat des prêtres, chrismation par l'évêque seul, azymes), et qui n'a pas connaissance des excommunications qui se croisaient alors de part et d'autre, ne peut évidemment pas comprendre facilement l'indépendance complète que l'orient orthodoxe a toujours opposée à Rome, prétentieuse alliée de l'empereur carolingien.

Le seul fait que nous puissions convoquer un concile et excommunier le pape, et même l'anathématiser dans certains cas (Honorius), prouve que nous ne l'avons jamais admis ni comme notre chef, ni que nous ne l'avons jamais tenu pour infaillible à cause de sa fonction sine concessum ecclesiae (sans le consensus de l'Eglise). Car comment aurions-nous pu excommunier "notre chef", qui par sa fonction même recevait le don de l'infaillibilité, sans avoir besoin du consentement de l'Eglise ?

Il ne faut donc pas confondre les orthodoxes avec les prétendus "patriarches" uniates et leur position servile et pitoyable dans les conciles de Rome, se dégradant en prenant le nom de... cardinaux !

Nos patriarches à nous ne furent jamais cardinaux. Chaque Eglise autocéphale, en orient orthodoxe, désignait, choisissait, élisait, sacrait et intronisait ses évêques et ses patriarches par sa propre initiative et sous sa propre responsabilité. Une fois que le patriarche était sacré et intronisé, on communiquait son nom aux autres patriarches comme signe d'unité et de catholicité de l'Eglise. Mais nos évêques ou nos patriarches ne furent jamais élus ou désignés par le pape, et ils n'ont jamais reçu de lui aucune investiture ! De plus, nos patriarches, quand ils le jugeaient opportun, excommuniaient le pape de Rome, ce qui montre bien que leur comportement envers lui a toujours été un comportement d'égal à égal.

En outre, depuis toujours nous avons eu des litiges avec Rome au sujet des revendications territoriales (par exemple l'Eglise de Bulgarie, grecs de Sicile, etc.). Au cours de ces litiges, le patriarche de Rome et celui de Constantinople demandaient le rattachement d'un même territoire à sa propre Eglise locale. Cette revendication serait aussi un non-sens si Rome avait été la maîtresse de toute l'Eglise : comment aurait-elle pu revendiquer quelque chose auprès de Constantinople, soi-disant sous sa juridiction, si Constantinople elle-même lui avait appartenu !

Nous ne nous sommes donc pas séparés après 1054 tout en étant soi-disant au fond "catholiques romains", ou "fortes-têtes" (un peu selon le modèle des "libertés gallicanes" ou du "concile de Bâle"), mais l'ORTHODOXIE a depuis toujours eu sa propre voix, qu'elle a toujours fait entendre, et cette voix n'a jamais confessé le système de la papauté ! Nous n'avons jamais été des "catholiques qui s'ignorent", mais bien au contraire, nous avons toujours protesté contre toutes les innovations de Rome dès le début et très énergiquement.

Nous avons toujours considéré le système de la papauté comme une prétention orgueilleuse, comme un système adultérin et complètement étranger à la sainte Tradition apostolique ! Nous ne nous sommes donc jamais séparés, mais nous avons toujours dénoncé et protesté contre les innovations romaines.

On nous a toujours accusés de "frigidité" maladive, au lieu de reconnaître notre IMMUABILITE ! Nous confessons un Christ éternel et immuable, et l'Eglise, son Corps et son Epouse, également éternelle et immuable à l'image de son divin Epoux. Les pratiques de la vie ecclésiale jusqu'à ses détails les plus minimes : jeûnes, habits, coutumes, portent le sceau du très saint et vivifiant Esprit, et on ne peut y toucher sans crainte et tremblement. Si pour le culte de l'ancienne Alliance, Dieu n'a pas négligé les détails les plus insignifiants, allant jusqu'à indiquer la couleur des poils de chèvres pour la fabrication de la tente sacrée et le nombre des piquets à utiliser, quelle vénération ne devons-nous pas maintenant au culte de la grâce, dans lequel nous sommes en face non d'une loi gravée sur la pierre, mais du Législateur lui-même ?

Qui a autorisé les latins et leur pape à mettre les affaires sacrées du culte divin sens dessus-dessous, à mettre la vie de l'Eglise à la remorque du véhicule de ce monde mensonger et périssable, de couper, d'ajouter, de changer, de modifier ? D'où tiennent-ils leurs traditions d'AGGIORNAMENTO, de RENOUVELLEMENT, d'ADAPTATION ?

Que l'on nous montre si nous-mêmes avons changé quoi que ce soit en matière de dogmes, de structure ecclésiale et de canons, et nous ferons amende honorable.

En quoi consisterait notre "schisme", notre "séparation", ou notre hérésie ? Si donc nous n'avons bougé en rien, s'il n'y a pas eu chez nous DEPLACEMENT, comment pourrait-on nous imputer une séparation ? Nous restons toujours unis à la sainte Tradition apostolique, qui ignore et a toujours ignoré le Filioque, l'Immaculée conception de la sainte Vierge, l'infaillibilité papale, les réformes liturgiques, l'aggiornamento. Il y a certes eu séparation, mais elle n'a pas été effectuée par l'Eglise orthodoxe. Prétendre que l'Orthodoxie s'est séparée de Rome, ce serait prétendre qu'à cause de la chute, Dieu s'est séparé de l'homme. Or, Dieu étant immuable par nature, la responsabilité de la séparation, de l'éloignement, de la distance entre le Créateur et la créature pèse sur l'homme seul !

Qui donc est séparé de l'autre ? On pourrait nous répondre qu'il ne s'agit là que d'un jeu de mots. Mais c'est un jeu de mots extrêmement dangereux que Rome a très bien su utiliser. Elle a voulu mettre l'Orthodoxie en position de "répondante", ce qu'elle cherche toujours à faire de nos jours, même si elle a remplacé le terme de "schismatique" par celui de "frère séparé", ce qui veut dire exactement la même chose. Elle veut imposer dans la conscience des peuples l'idée selon laquelle l'Orthodoxie aurait soi-disant transgressé les structures ecclésiales primitives et qu'elle devrait se justifier et répondre de son attitude de transgression, de sa position "schismatique". Après l'avoir désignée comme coupable, il est aujourd'hui un peu facile de lui faire grâce et de lui pardonner. Il s'agit de la même logique.

Or, l'Orthodoxie refuse catégoriquement le banc de l'accusée en ce qui concerne les anciennes structures ecclésiales. Par nature, elle n'a ni à répondre, ni à se justifier, étant elle-même juge, et non accusée ! Bien sûr, si nous étions administrativement ou canoniquement unis à Rome, nous devrions nous séparer d'elle dans le cas où nous considérerions que la foi est en danger. Et dans pareil cas, nous serions obligés de nous "défendre " et de "justifier" notre décision de schisme. Tandis qu'en réalité, d'après la structure de l'Eglise d'avant 1054, nous ne sommes même pas dans le cas d'un "schisme justifié", n'ayant en rien transgressé les anciennes structures.

Qu'on nous appelle "frères séparés" est donc un terme admis UNILATERALEMENT, mais que nous n'acceptons et n'admettons pas. Si nous sommes frères, nous ne pouvons pas être séparés in sacris, car si nous sommes séparés in sacris...nous ne sommes pas frères !!!

Rome, hélas, s'obstine à nous regarder du haut de sa clémence. Elle veut nous convaincre que nous sommes des catholiques malgré nous. Peut-être des catholiques un peu à part et quelque peu bizarres, un peu en marge, mais des catholiques quand même. Elle aimerait nous persuader malgré nous-mêmes d'être ce que nous ne sommes pas. Insister, c'est une méthode comme une autre. C'est une stratégie !

Il est certes épuisant de polémiquer. C'est même très dangereux pour nous-mêmes de prendre l'attitude des "défenseurs" de l'Orthodoxie. Toutefois, nous vivons dans un siècle où la confusion règne un peu partout. Ce qui nous oblige à être sur nos gardes, c'est qu'hélas plusieurs hiérarques de l'Eglise orthodoxe ne font que propager et alimenter cette confusion. Ceci nous contraint à leur rappeler que nous attendons autre chose d'eux.

Il va sans dire que notre polémique ne s'adresse pas aux catholiques en tant que personnes. Nous ne nous dressons même pas contre le pape lui-même en tant que personne. Nous ne voulons pas mettre en doute ni les vertus, ni la sincérité, ni les bonnes intentions de qui que ce soit. Nous sommes obligés de regarder aussi bien le pape que les catholiques en général comme des personnes absolument sincères et de bonne foi. Toutefois, ni la bonne foi, ni la sincérité en elles-mêmes ne sont suffisantes dans nos relations avec Dieu. Il y a des millions de gens sincères et de bonne foi qui sont égarés dans les différents systèmes philosophiques et les différentes religions.

Nous ne pouvons pas comprendre Rome et nous doutons fort que Rome se comprenne elle-même ! Son attitude théologique envers nous n'a ni fondement, ni raison. Elle dit que nous sommes "schismatiques", ou si l'on préfère "frères séparés", mais elle admet que nos sacrements sont valides, que nous avons la grâce du sacerdoce, que l'on peut dans notre Eglise parvenir au salut et à la sanctification ! Mais si ceci est vrai, alors Rome se nie elle-même. Ou bien elle admet qu'il peut y avoir deux Eglises sur la terre ! Un atelier de salut et de sanctification qui œuvrerait en parallèle avec l'Eglise ! Mais dans ce cas, son pape et ses dogmes deviennent simplement souhaitables, mais pas indispensables.

Que penser de tout cela ? Ignorance théologique ? Confusion sciemment entretenue ? Ou impasse du système de la papauté ? Nous l'avons toujours dit, et on nous a pris pour des "fanatiques" et des "arriérés", que le papisme latin est à l'origine de toute l'anarchie spirituelle de l'occident et de toutes les hérésies et sectes qui ont suivi. Le papisme latin est également la cause de la crise actuelle de l'Eglise romaine. La crise actuelle n'est pas un accident, c'est simplement la fièvre d'une maladie qui dure depuis son origine. Cependant Rome, grâce à sa grande subtilité et ses facultés extraordinaires d'adaptation, pourrait peut-être bien sortir de cette crise, tout en sauvegardant son unité et son prestige mondial grâce à des réformes bien étudiées et très intelligemment appliquées. Nous ne parlons pas de la question de "la foi", car elle semble avoir relégué cela au second plan. Elle est plutôt soucieuse de sa force et de sa gloire plutôt que d'une foi vivante, ayant littéralement robotisé son clergé et ses fidèles, les ayant transformés en instruments dociles et maniables servant à sa domination.

Mais ce n'est pas à nous, ni de faire son bilan, ni de lui proposer des remèdes, elle n'a pas besoin de nous. Ce qui nous préoccupe, c'est l'attitude inconsciente et scandaleuse d'un grand nombre d'hiérarques orthodoxes qui font tout leur possible pour nous plonger dans la confusion actuelle. Oublient-ils que si nous sommes contaminés par ce même virus, notre absorption par le mégathérium romain ne sera plus qu'une question de temps et de circonstances ? Ces hiérarques aimeraient-ils vraiment nous faire sortir de cette liberté dont nous jouissons dans l'obéissance à Dieu pour nous ravaler au rang de "satellites" uniates destinés à suivre Rome dans toutes les phases de son... "évolution" ? Ces évêques ont-ils déjà oublié les fleuves de sang orthodoxe qui ont coulé il y a à peine 30 ans par la main meurtrière de l'amabilité romaine en Serbie orthodoxe, et que leur chef a, par son silence, approuvé ces horreurs ? Non ! Nous n'admettons pas les latins, ni comme persécuteurs, ni comme "frères séparés". Nous ne nous sommes jamais séparés de l'Eglise du Christ, mais nous avons complètement séparé notre responsabilité de tous ceux qui altèrent la foi ! L'orient ne s'est donc jamais séparé de l'occident. Tout simplement l'orient est resté et reste encore, par la grâce divine à la place qui lui fut assignée par le Christ, par les saints apôtres et les pères, qui nous ont engendrés par l'Evangile. Notre seule espérance et notre seule gloire, c'est de rester à cette place, comme des sentinelles fidèles à leur poste, environnés des ténèbres de la nuit du monde, jusqu'au jour glorieux du retour de notre bien-aimé Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, quand il viendra sur les nuées accompagné de ses saints anges et de la foule des témoins des saints et des bienheureux. Jusqu'à l'aurore sans crépuscule de ce jour glorieux, disons avec Joseph Vryènios, le maître de saint Marc d'Ephèse :

"Nous ne te renierons pas, Orthodoxie bien-aimée !

Nous ne te démentirons pas, ô piété transmise par nos pères !

En toi, nous sommes nés, en toi nous vivons,

et si le temps l'exige,

mille fois pour toi nous mourrons !"



Père Basile M. Sakkas

  

LETTRE ENCYCLIQUE de saint Marc d’Ephèse

LETTRE ENCYCLIQUE A TOUS LES CHRETIENS ORTHODOXES

   de la terre et des îles 

  de saint Marc d’Ephèse.





Les hommes qui nous ont menés en déportation, dans une captivité pernicieuse, et ont voulu nous attirer dans les bas-fonds de Babylone –les dogmes et les rites des Latins– n’ont pu conduire leur projet à terme, se rendant compte eux-mêmes de son absurdité foncière et de son impossibilité, et se sont arrêtés à mi-chemin, eux et tous ceux qui les ont suivis, sans demeurer ce qu’ils étaient, ni devenir ce qu’ils ne sont pas ; ils ont abandonné Jérusalem, la vraie vision de paix (cf. IS. 28 : 16 ; 1 Pierre 2 : 6) et la montagne de Sion, la foi solide et inébranlable ; quant à être Babyloniens et en porter le nom, ils ne le veulent ni le peuvent ; en sorte qu’on pourrait justement les appeler Gréco-latins, ces déserteurs que nous qualifions généralement de Latinisants.

Ces animaux mêlés, cousins des centaures de la fable, confessent avec les Latins que l’Esprit Saint procède du Fils et qu’Il a le Fils pour cause de Son existence –selon les propres termes de leur Définition de Foi conciliaire– et avec nous, disent qu’Il procède du Père ; avec les Latins, ils affirment que l’addition du Filioque au symbole fut chose légitime et bien fondée, et, avec nous, refusent de la réciter dans le Credo –quoique, s’agissant d’une chose légitime et bien fondée, rien n’empêche de la réciter, n’est-il pas vrai ? Toujours avec les Latins, ils disent que le pain azyme est bien Corps du Christ, mais, avec nous, n’oseraient pas y communier. Ne voilà-t-il pas des traits suffisants pour dépeindre l’humeur de ces personnages ? Si l’on ajoute que ce n’est pas l’amour de la vérité qui les a poussés à rencontrer les latins –cette vérité, qu’ils avaient entre les mains, ils l’ont trahie– mais l’appât de l’or et le désir de conclure une union factice, non celui de s’unir véritablement.



2. Or il convient d’examiner le mode de leur union : car qui dit union dit moyen terme par lequel on s’unit. Dans le cas présent, c’est par le dogme relatif au Saint Esprit qu’ils ont cru s’unir aux Latins, en confessant avec eux qu’il tire aussi du Fils son existence ; pour tout le reste, ils diffèrent, et il n’y a rien entre eux, pas même une seule chose, qui leur soit commune ni même intermédiaire. Tout au contraire, on récite encore deux symboles différents, comme auparavant ; on célèbre deux liturgies dissemblables, avec consécration de pain levé dans l’azyme, dans l’autre ; deux baptêmes, dont l’un consiste dans une triple immersion, l’autre dans une affusion d’eau sur le sommet de la tête : et tandis que le premier comporte nécessairement la chrismation, le second peut même s’en passer ; deux coutumes enfin, en tout et pour tout différentes, qu’il s’agisse des jeûnes, des ordres ecclésiastiques ou de toute chose de ce genre. Où donc est l’union, quand aucun signe extérieur ne la rend tangible et manifeste ? Et comment se sont unis des gens qui entendent rester attachés à leurs propres usages –ils l’ont même déclaré d’un commun accord– et ne suivent pas les traditions reçues des Pères ?



3. Mais que disent ces raisonneurs ? "L’Eglise grecque n’a jamais dit que l’Esprit Saint procédait du Père seul, mais simplement qu’il procédait du Père ; or cette affirmation n’exclut pas le Fils de la procession ; de sorte que, sur ce sujet, nous étions autrefois unis et le sommes toujours à présent". Hélas ! Quelle bêtise ! Et quelle cécité ! Si l’Eglise grecque a toujours confessé la procession de l’Esprit hors du Père, pour avoir reçu cette doctrine du Christ Lui-même, des saints Apôtres et des Pères des Conciles ; et si elle n’a jamais confessé la procession hors du Fils, doctrine qu’elle n’a, de fait, reçue de personne ; qu’a-t-elle depuis toujours affirmé, sinon la procession hors du Père seul ? Car si l’Esprit ne procède pas du Fils, il est clair qu’il procède du Père seul.

Voyez la même chose dans le Credo à propos de la génération. « Né du Père avant tous les siècles ».

Qui ajoute ici "né du père seul" ? Nous l’entendons pourtant bien ainsi, et nous l’explicitons à qui le demande ; car nous n’avons pas appris que le Fils soit né d’aucun autre !

Enfin, c’est en raison de cette doctrine que saint Jean Damascène, au nom de l’Eglise toute entière et de tous les chrétiens, déclare ceci : « Nous ne disons pas l’Esprit issu du Fils » (PG 94, c.832 B.). Si nous ne disons l’Esprit issu du Fils, il est clair que nous le disons issu du Père seul. Aussi dit-il un peu auparavant : « Pour le Fils, nous ne le disons point cause » (Ibid.) et dans le chapitre suivant : « Seul le Père est cause » (Ibid., c.849 B.).



4. Que disent-ils encore ? "Nous n’avons jamais considéré les Latins comme hérétiques, mais seulement comme schismatiques".

Cet argument, remarquons-le premièrement, c’est aux Latins qu’ils l’ont emprunté ; ceux-ci nous qualifient en effet de schismatiques, parce qu’ils n’ont rien à nous reprocher sur le dogme, mais estiment que nous avons été rebelles à l’allégeance qu’ils s’imaginent que nous leur devons. Voyons s’il est juste de leur rendre la politesse et si nous n’avons, nous, aucun reproche à leur faire sur la doctrine.

Ils donnent, on le sait, pour cause du schisme, le fait d’avoir introduit au grand jour l’addition du Filioque qu’ils marmonnaient auparavant entre leurs dents ; pour notre part, nous nous sommes, les premiers, séparés d’eux, ou plutôt, nous les avons séparés et retranchés du corps commun de l’Eglise. Pour quelle raison, dites-moi ? Parce qu’ils avaient une doctrine orthodoxe ou de justes raisons d’introduire leur addition ? Et qui dira cela, à moins d’avoir la cervelle complètement dérangée ?

Ou bien parce que leur dogme était aberrant et impie et l’addition, illégitime ? C’est donc pour cause d’hérésie que nous nous sommes détournés d’eux ; telle fut la raison de notre séparation d’avec d’eux.

Quelle autre cause pourrait-il y avoir en effet ? Les lois amies de la piété ne déclarent-elles pas : "Est hérétique, et sous le coup des lois concernant les hérétique, celui qui dévie, si peu que ce soit, de la foi orthodoxe" (saint Photios, Nomocanon XII, c.2.). Si donc les Latins n’ont pas dévié d’un pouce de la foi orthodoxe, nous n’avons, évidement, pas eu raison de les retrancher de l’Eglise ; mais s’ils ont complètement dévié, et cela, dans la théologie du Saint Esprit, qu’il est infiniment périlleux de blasphémer, alors ils sont hérétiques, et nous les avons exclus de l’Eglise pour hérésie.

Poursuivons. Pourquoi chrismons-nous ceux d’entre eux qui viennent à l’orthodoxie ? N’est-ce pas, à l’évidence, parce qu’ils sont hérétiques ? Le huitième canon du Deuxième Concile Œcuménique dit en effet : « Ceux qui venant d’une hérésie rentrent dans l’orthodoxie et s’agrègent à la part des élus, nous les recevons selon les rites et les usages suivants : Ariens, Macédoniens, Sabbatiens et Novatiens qui se donnent le nom de Cathares (Purs) et de Meilleurs, ainsi que les Quartodécimans ou Tétradites et les Apollinaristes, nous les recevons à condition qu’ils donnent un texte écrit, condamnant à l’anathème toute hérésie non conforme au dogme de la Sainte Eglise de Dieu Catholique et Apostolique, et qu’ils reçoivent, avant d’être admis, le sceau ou chrismation, que nous faisons avec le saint chrême sur le front, les yeux, les narines, la bouche et les oreilles, en disant : « Le Sceau du Saint Esprit » [1]. Tu vois dans quel groupe nous classons les Latins qui nous rejoignent ? Si les noms qu’énumère le canon ci-dessus sont tous hérétiques, les Latins le sont certainement.

Enfin le très sage patriarche d’Antioche, Théodore Balsamon, écrivait, dans ses Réponses à Marc, très saint patriarche d’Alexandrie : "Des prisonniers Latins, et autres personnes, se présentent dans nos églises catholiques et demandent la communion au divins sacrements. Pouvons-nous la leur accorder, telle est la question.

–« Qui n’est pas avec moi est contre moi et qui n’assemble pas avec moi disperse » (Matt. 12: 30 ; Luc 11: 23). Etant donné que depuis de longues années la très célèbre Eglise d’Occident, celle de Rome, s’est séparée de la communion des quatre autres patriarcats, en s’isolant dans des rites et des dogmes étrangers à ceux de l’Eglise catholique et orthodoxe ; que, pour cette raison, dans la célébration des divins mystères, le pape n’a pas l’honneur d’être mentionné parmi les patriarches au moment de l’anaphore ; les personnes de confession latine ne peuvent recevoir des mains du prêtre la sanctification des purs et divins mystères, à moins qu’elles n’acceptent d’abord de renoncer aux dogmes et aux usages latins, et qu’elles reçoivent, comme l’ordonnent les canons, une instruction catéchétique et deviennent orthodoxes à part entière" (PG 138, c.968 AB.).

Tu entends ? Dit-il, oui ou non, qu’ils se sont séparés en s’isolant non seulement dans des rites mais encore dans des dogmes étrangers à l’orthodoxie –or tout ce qui est étranger à l’orthodoxie est hérétique– et qu’ils doivent, selon les canons, recevoir une catéchèse et devenir orthodoxes à part entière ? Or il est clair que s’ils doivent être catéchisés, ils doivent aussi être chrismés. D’où a surgi leur réputation d’orthodoxie, quand tant d’époques et tant de Pères et de docteurs les ont condamnés comme hérétiques ? Qui les a si facilement rendus orthodoxes ? C’est l’or, si tu veux bien dire la vérité, et les pots de vin que tu as touchés ; ou plutôt, l’or ne les a pas rendus orthodoxes, mais toi, il t’a fait devenir semblable à eux et t’a donné ton lot parmi les hérétiques.

[1] Cf. saint Nicodème, Pidalion, Athènes 1957, p. 163, canon 7.



5. "Mais si nous arrivions à mettre au point un moyen terme dans les dans les dogmes, nous leur serions unis par ce dogmes mitoyen, tout en restant fidèles à nous-mêmes, sans être forcés de rien dire de contraire à nos habitudes et à nos traditions". Voilà la belle raison qui a trompé la plupart, depuis le début, et les a engagés à suivre des meneurs qui les ont entraînés au gouffre de l’impiété. Croyant qu’il existe un milieu entre deux opinions, comme c’est le cas pour certains contraires, ces déserteurs se sont jetés dans la gueule du loup.

Or, s’il est bien possible de trouver, entre deux opinions, une formulation moyenne qui les signifie également l’une et l’autre, par le jeu de l’équivoque, en revanche, entre deux opinions contradictoires relatives au même objet, il ne saurait y avoir d’opinion moyenne ; sans quoi, il y aurait aussi un moyen terme entre le vrai et le faux, entre l’affirmation et la négation. Mais il n’en est rien ; en toute chose, l’alternative est exclusive : ou bien l’affirmation ou bien la négation. Si donc le dogme latin, qui dit que l’Esprit Saint procède aussi du Fils, est vrai, le nôtre est faux puisque nous disons qu’Il procède du Père seul –telle est bien la raison pour laquelle nous nous sommes séparés d’eux ; si le nôtre est vrai, le leur sera forcément faux. Quel milieu peut-il y avoir entre ces deux choses ? Aucun ; sinon une formule ambivalente qui s’adapte aux deux opinions comme un cothurne qui va aussi bien au pied droit qu’au pied gauche. Et c’est une formule de ce genre qui nous unira ? Et que ferons-nous, quand nous en viendrons à l’examen mutuel du contenu de nos croyances et de nos doctrines ? Ou si nous pouvons nous appeler les uns les autres orthodoxes quand nous pensons à l’opposé les uns des autres ? Pour moi, je ne crois pas ; à toi de voir, toi qui as l’art de tout embrouiller et de donner aux choses le nom qu’il te plait. Veux voir comment Grégoire le Théologien parle des formules moyennes ?

« C’était une figurine qui vous regarde de quelque côté que vous arriviez, un cothurne qui s’adapte aux deux pieds, un crible à tous les vents (Ecclésiastique "Siracide" 5: 9), tirant son autorité de leur malice à interpréter l’Ecriture et de l’artifice imaginé contre la vérité ; car cette formule de "semblable selon les Ecritures" était un appât qui recouvrait l’hameçon de l’impiété » (Grégoire de Nazianze, Homélie sur saint Athanase PG 35, c.1108 A.). Voilà pour le moyen terme qu’on avait inventé à l’époque. Du concile qui l’avait imaginé, il dit encore : « De quel nom appeler cette assemblée ? Tour de Babel, qui vit la juste confusion des langues –plût au ciel qu’elles se fussent ainsi confondues, ces langues à l’unisson dans le mal ! – Sanhédrin de Caïphe, qui condamna le Christ ? D’un autre nom encore ? Cette assemblée a tout confondu et renversé : elle a aboli l’antique et sainte doctrine de la Trinité et l’égalité d’honneur qui est son partage, en dressant ses batteries contre le CONSUBSTANTIEL et en battant ce rempart en brèche ; bref, elle a ouvert la voie à l’impiété, par ce moyen terme entre ce qu’on dit et ce qui est écrit. Car "ils ont eu de la sagesse pour mal faire, mais ils n’ont point su faire le bien" Jér. 4,22 » (Grégoire de Nazianze, ibid. c. 1105 C.)

Voilà qui nous suffira sur cette question du moyen terme : nous avons amplement démontré qu’il n’en existe absolument pas et qu’une telle recherche est impie et étrangère à l’Eglise.



6. Mais quelle attitude adopter, demandera-t-on, à l’égard de ces Gréco-latins mi-figue mi-raisin, qui, en bons amateurs des solutions moyennes, divisent en trois catégories les dogmes et les rites des Latins : ceux qu’ils approuvent ouvertement et sans réserve ; ceux qu’ils approuvent, mais sans les embrasser ; ceux qu’ils désapprouvent totalement ?

Fuyez-les ! Fuyez-les comme des serpents, comme des gens qui font commerce du Christ, au gros et au détail, ou pire encore. Car ils sont de ceux qui, selon le divin Apôtre, font de la piété une source de bénéfice (1 Tim. 6,5) et dont il dit encore « Fuis cette engeance » (1 Tim. 6, 11) car ce n’est point pour s’instruire, mais pour se remplir les poches qu’ils sont passés à l’ennemi. « Or qu’y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres ? Quelle entente du Christ avec Bélial ? Ou quelle part, du fidèle avec l’infidèle ? » (2 Cor. 6, 14-15).

Car voici les faits : nous, avec saint Jean Damascène (PG 93, c.882 B) et tous les Pères sans exception, nous disons que l’Esprit ne procède pas du Fils ; eux, avec les Latins, disent que l’Esprit procède du Fils.

Et nous, avec le divin Denys, nous disons que le Père est la seule source de la Divinité suressentielle (PG 3, c.641 D) ; eux, avec les Latins, disent que le Fils aussi est source de Saint Esprit, expulsant par conséquent ce dernier hors de la Divinité.

Nous, avec Grégoire le Théologien, nous distinguons le Père du Fils par la causalité (PG 36, c.252 A) ; eux, avec les Latins, le conjoignent par la causalité.

Nous, avec le vénérable Maxime, les Romains de son époque et les Pères occidentaux, nous ne faisons pas du Fils la cause de l’Esprit (PG 91, c.136 A) ; eux déclarent que le Fils est, selon les Grecs, "cause", selon les Latins "principe" de l’Esprit, dans leur Définition de Foire (il est juste de la décorer de cette appellation, puisqu’ils l’ont signée en foirant de peur).

Nous, avec Justin, philosophe et martyr, nous disons que l’Esprit sort du Père, comme le Fils sort du Père (PG 6, c.1224 A) ; eux, avec les Latins, disent que le Fils sort immédiatement, mais l’Esprit médiatement du Père.

Nous, avec saint Jean Damascène (PG 94, c.824 A) et tous les Pères sans exception, nous confessons ignorer en quoi diffèrent génération et procession ; eux, avec Thomas et les Latins, disent que les deux provenances différent par le médiat et l’immédiat.

Nous, nous disons, selon les Pères, que la volonté et l’énergie de la nature divine et incréée, sont incréées ; eux, avec les Latins et Thomas, disent que la volonté est la même chose que l’essence, et que l’énergie divine est créée, même si elle reçoit le nom de divinité, de lumière divine et immatérielle, d’Esprit Saint, et tous autres noms similaires ; ainsi ils élèvent les créatures infirmes au rang de divinité créée, de lumière divine créée, d’Esprit Saint créée !

Nous affirmons que ni les saints ne jouissent déjà du Royaume qui leur a été préparé et des biens indicibles, ni les pécheurs ne sont déjà tombés dans la géhenne, mais que les uns comme les autres attendent leur lot respectif, qui appartient au temps d’après la Résurrection et le Jugement ; eux, avec les Latins, veulent que les uns jouissent déjà, aussitôt après la mort, de ce dont ils sont dignes ; pour ceux qui sont dans l’entre-deux, c’est-à-dire qui sont morts sans avoir achevé de faire pénitence, ils ont inventé un feu purgatoire, différent de celui de la géhenne, auquel ils confient ces défunts afin, disent-ils, que leurs âmes une fois purifiées par ce feu, après la mort, ils trouvent eux aussi place dans le Royaume avec les justes ; doctrine qui a même été consignée dans leur Définition de Foi.

Nous, fidèles aux canons que les Apôtres ont fixés, nous abhorrons le pain azyme des Juifs ; eux déclarent dans la même Définition que le sacrifice que les Latins consacrent dans leur liturgie est le Corps du Christ.

Nous disons que le simple fait d’avoir ajouté quelque chose au symbole de la foi est illégitime, anti-canonique et anti-patristique ; eux le définissent comme un acte légitime et bien fondé ; tant ils savent s’accorder avec eux-mêmes et avec la vérité !

Nous considérons le pape comme un patriarche parmi les autres, et cela, bien sûr, s’il est orthodoxe ; eux le proclament fort pompeusement vicaire du Christ, et père et docteur de tous les chrétiens. Puissent-ils être plus heureux que leur père, s’ils lui ressemblent quant au reste [2] ! Car lui joue de malchance et n’est pas heureux avec cet antipape qui le taraude sans cesse –et nos hommes n’ont pas envie d’imiter leur père et docteur !

[2] Sophocle, Ajax. Saint Marc joue sur le nom de l’antipape Félix (Heureux).



7. Fuyez-les donc, frères, eux et leur communion ; « ces hommes sont de faux apôtres, des artisans d’imposture, déguisés en apôtres du Christ. Rien détonnant du reste, car Satan lui-même se déguise en ange de lumière. Ce n’est donc pas merveille si ses serviteurs eux aussi prennent l’apparence de serviteurs de la justice, eux dont la fin sera selon les œuvres » (2 Cor. 11, 13-15).

Ailleurs, le même Apôtre dit encore d’eux : « De tels hommes ne servent pas Notre Seigneur Jésus Christ, mais leur propre ventre et par et par leurs belles paroles et leur langage doucereux, ils abusent les cœurs les plus simples (Rom. 16, 18) ; mais le solide fondement de la foi tient bon, scellé de ce sceau (2 Tim. 2, 19) ». Et ailleurs : « Prenez garde aux chiens, prenez garde aux mauvais ouvriers, prenez garde aux faux circoncis » (Phil. 3, 2) ; ailleurs encore : « Si quelqu’un vous annonce un évangile différent de celui que vous avez reçu, quand même ce serait un ange descendu du ciel, qu’il soit anathème ! » (Gal. 1,8).

Voyez la prophétie que renferme cette parole : « quand même ce serait un ange descendu du ciel » afin que personne ne vienne vous objecter la primauté papale. Et le disciple bien-aimé : « Si quelqu’un vient à vous sans apporter cette doctrine, ne le recevez pas sous votre toi, ne lui dites pas bonjour ; car celui qui dit bonjour participe à ses œuvres mauvaises » (2 Jn 10-11).

Les saints Apôtres vous ayant fixé ces règles, tenez ferme et gardez les traditions écrites et non écrites que vous avez reçues, de peur que l’égarement des sans-loi ne vous séduise et ne vous fasse choir de votre propre constance.

Puisse le Dieu Tout-Puissant faire que ces hommes reconnaissent leur erreur et qu’Il nous délivre de cette ivraie nuisible et nous rassemble dans ses greniers comme un froment pur et bon, dans le Christ Jésus Notre Seigneur ; à Lui convient toute gloire, honneur et adoration, avec son Père sans principe et son tout saint, bon et vivifiant Esprit, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen.