Les bases de la foi ecclésiologique orthodoxe


Le trait essentiel de l'Orthodoxie est, qu'elle unit ses fidèles dans une fois à laquelle JAMAIS rien n'a été ajouté, dont rien n'a JAMAIS été retranché, dans laquelle JAMAIS rien n'a été modifié, et qui est identiquement et absolument la même, telle qu'elle fut prêchée par les premiers disciples du Christ.

Notre coup d’œil devra donc être une synthèse, -non pas de l’Orthodoxie comme d’une branche quelconque du christianisme,- mais du christianisme lui-même, dont l’expression, selon la compréhension orthodoxe, se trouve être l’Eglise, la Sainte Eglise, non pas seulement comme motif de crédibilité, mais comme objet même de la foi. Ce qui veut dire qu’elle n’est pas du tout une construction déterminée par une question de droit, mais par la simple présence d’un FAIT. Ceci est caractéristique pour la compréhension orthodoxe.

L’Occident ne voit dans la chrétienté orthodoxe que « des églises », conception qui entraîne des erreurs immenses. Nous venons ici pour tâcher de vous faire saisir ce quelque chose que l’esprit occidental n’a pas aperçu, ce point vital qui est l’essence même de l’Eglise Une et Indivisible selon la conception orthodoxe. C’est l’Eglise Une et Entière, sans distinction de races et de nationalités, l’Eglise dans son UNIVERSALITE, que nous allons tâcher ici de rendre accessible à votre compréhension.



Vérité et unité de l’Eglise



Vérité et unité de l'Eglise (extrait)

Christos Yannaras


L’unification de l’existence et de la connaissance dans le fait de la relation personnelle est aussi la réponse de la théologie orthodoxe au problème de l’autorité de l’Eglise, problème préliminaire pour la théologie et la vie de la Chrétienté occidentale.

L’existence d’une « autorité » objective qui personnifie, exprime et enseigne, magistralement et infailliblement, la vérité de l’Eglise, a toujours été considérée en Occident comme une condition nécessaire pour garantir l’unité ecclésiale, c’est-à-dire pour dépasser la subjectivité et la division des tendances théoriques. Mais il est aussitôt évident que la recherche d’une autorité objective –autorité exprimant infailliblement la vérité de l’Eglise– présuppose en tout état de cause une conception positiviste de la vérité, c’est-à-dire une théorie de la connaissance ramenant la vérité à sa formulation objective. Ainsi est justifiée l’autorité du titulaire de l’infaillibilité, celui qui est chargé d’exprimer cette formulation.

Au contraire, pour l’Eglise et la théologie orthodoxe, la vérité et la connaissance de la vérité surpassent toute formulation conceptuelle objective, et c’est pour cette raison qu’il n’est même pas possible de poser la question d’une autorité objective, ni de déterminer un titulaire concret de cette autorité.



Pour l’Eglise orthodoxe, on ne peut épuiser la vérité dans la stabilité close d’une formulation objective, puisque la vérité est un fait dynamique, qu’elle est le mode d’existence du Christ et de l’Eglise, au-delà d’une identité formelle de l’intelligence et de l’intelligible. L’expression et la rédaction de cette vérité dans la Sainte Ecriture, dans les décisions des Conciles, dans les textes liturgiques et dans les écrits des Pères, « définissent » sans l’épuiser, l’événement de la « vie nouvelle » en Christ, le mode d’existence de la communion de saints, la perfection des saints, toujours « véritablement imperfectible ».

En tout état de cause, les « confessions » que l’Eglise a consacrées à sa foi et à sa vérité, et les décisions de ses Conciles œcuméniques, ont un caractères contraignant pour ses membres, ce qui signifie que l’expression des dogmes et des symboles ne peut être modifiée ou négligée sans mettre en danger l’authenticité de la vie ecclésiale ou le réalisme de l’événement du salut.

Mais l’événement du salut et de sa réalisation  dynamique dans les limites de la vie de l’Eglise précèdent toute formulation de la vérité du salut. Les dogmes du Concile sont des « termes » -bornes et définitions- de la vérité, que vit et incarne l’Eglise. Ils fixent les bornes entre la vie et l’incarnation d’une part, et d’autre part entre l’erreur et l’hérésie, c’est-à-dire la non-Eglise, le mode d’existence de l’homme selon la chute. Les « définitions » conciliaires et les « confessions » liturgique sont des « sym-boles » (assemblages) de la vérité, qui font se rencontrer (symballein) l’expérience personnelle et l’expérience commune, la vie de l’Eglise. Il n’est donc pas possible de les interpréter comme des « principes » abstraits, des idéologies et des concepts coupés de la vie.

Pour la même raison, il n’est pas possible que quiconque revendique le droit de formuler dogmes et symboles comme titulaire institué de plein droit, ou comme « principe » d’une autorité « a priori » autonome par rapport au tout du corps ecclésial. Et même si un Synode de la majorité des Evêques de l’Univers (oicouméné) se proclamait lui-même œcuménique, il doit aussi être reconnu comme orthodoxe  par la conscience du corps ecclésial pour que ces décisions aient un caractère contraignant pour la vie des fidèles et pour le déroulement de l’Histoire de l’Eglise. Il a existé des Conciles rassemblant de très nombreux Evêques, qui se sont proclamés œcuméniques, et qui ont été rejetés par le corps ecclésial, parce qu’il n’a pas reconnu dans leurs décisions l’expression sincère et véritable de son expérience de l’évènement du salut, tel que le vit et l’incarne l’ensemble du corps ecclésial.

Ce facteur indéterminable : la « conscience du corps ecclésial », ne renvoie pas à un principe rationnel de « majorité démocratique », mais à l’événement prioritaire du salut, avant même toute formulation de cet événement. Et il renvoie en même temps à une participation au mode d’existence de l’Eglise comme accès premier et fondamental à la connaissance de la vérité de l’Eglise.

Or la vérité de l’Eglise est un mode d’existence, et la formulation de cette vérité ne fait que « définir » le mode d’existence du Christ et de l’Eglise et de celui de l’homme d’après la chute (celui du péché-échec de l’homme). Pour cette raison justement, on ne peut fournir de critère quantitatifs pour une formulation et une expérience correctes de la vérité, mais seulement des critères d’universalité (catholicité) de la vérité. Un seul et unique membre de l’Eglise peut sauver dans sa personne et incarner dans sa vie la totalité de la foi et de la vérité le « Christ total », l’universalité du mode d’existence de l’Eglise. St Athanase le Grand, st Maxime le Confesseur, st Marc Eugenikos d'Ephèse sont, dans une certaine mesure, les témoins historique de cette sauvegarde universelle et personnelle de la vérité ecclésiale.

C'est cette universalité de la vérité qui explique encore mieux le facteur de la « conscience du corps ecclésial ». Quand un Concile œcuménique affirme avec assurance qu’ « il a semblé bon au Saint Esprit et à nous » (Actes 15, 28), il puise l’autorité et l’audace d’une telle formulation  dans le fait qu’il récapitule et qu’il exprime l’expérience et la conscience du corps ecclésiale tout entier. Car les Evêques, chacun en ce qui le concerne, sont porteurs de la vérité universelle du salut qui s’exprime par leurs bouches, telle qu’elle s’incarne en chaque Eglise locale. Ce n’est pas parce que l’Evêque a gravi le plus haut degré du sacerdoce, ce n’est pas parce que le Concile a un caractère officiel, que l’expression et la formulation correctes de la vérité de l’Eglise sont assurées, c’est par l’accord des Evêques du Concile avec l’expérience universelle du Corps de l’Eglise, c’est par la volonté et l’opération de la communion des saints, selon l’image du Prototype trinitaire.

C’est pour cela que les décisions des Conciles œcuméniques, décisions dogmatiques et canoniques, ne peuvent se ramener aux circonstances de l’époque, ou à des problèmes épisodiques ou contingents. Même les plus petits détails canoniques du fonctionnement ecclésial se rapportent en dernière analyse, tout autant que les définitions dogmatiques, au mode d’existence de l’Eglise, c’est-à-dire au mode d’existence de l’homme « selon la nature » et « selon la vérité », ils se rapportent à l’intégrité de l’existence humaine, à la totalité de l’espèce humaine. C’est cette vérité et cette authenticité universelles de la vie que « définit » et que sauvegarde la formulation des dogmes et des canons.  Ce qui signifie que la formulation des dogmes et des canons est un service universel de vérité et de vie, et non une attribution officielle d’un « principe » d’autorité « a priori ».

Christos Yannaras Vérité et unité de l’Eglise, ed. Axios, 1989, p.34-37 (traduction: Jean-Louis Palierne).





saint Athanase de Paros (1722-1813)





Le diable et l’Occident


Constatant que les supplices et les épreuves, non seulement n’avaient pu atteindre leur but, mais qu’ils avaient, au contraire, fait apparaître des milliers et des milliers de martyres, le diable inventa un autre moyen. 



En second lieu, il sema la discorde d’une façon perfide et sournoise par les hérésies, afin d’amener les chrétiens à s’éloigner du Christ et de la vraie foi et à devenir ses propres compagnons. Les doctrines de ces hérésies portent tantôt sur le Saint-Esprit, comme celles des Macédoniens, tantôt sur le mystère de l’Incarnation, comme celles des Nestoriens, des Monophysites, des Iconoclastes et tant  d’autres.

Toutes ces hérésies furent condamnées par les conciles œcuméniques et locaux qui désapprouvèrent leurs doctrines confuses et donnèrent aux chrétiens une doctrine claire. Ainsi, le diable et ses instruments, les hérétiques, furent déshonorés, alors que les Chrétiens furent affermis dans leur foi inébranlable, excepté naturellement les Chrétiens qui ont voulu, de leur propre gré, s’égarer et périr.

En troisième lieu, le diable fit apparaître une autre hérésie venant de l’Occident –je parle de l’hérésie des Latins– dans le but, toujours le même, de perdre les chrétiens. Cette nouvelle hérésie, qui ne diffère des autres que par le nom, conduisit dans l’erreur tout l’Occident pour engendrer par la suite des branches et des sectes diverses : luthériens, calvinistes, luthérocalvinistes, évangélistes, et d’autres encore en nombre infini. Elle prépara ainsi sa propre perdition et montra qu’elle était caduque, faible et issue d’un esprit réprouvé.
Mais là encore, chers chrétiens, nous devons saisir et admirer l’amour infini de Dieu à notre égard. Voyez, en effet, comment, dans son infinie miséricorde et sa sagesse, notre Seigneur a de nouveau arrangé les choses. Pour conserver intacte notre sainte foi orthodoxe et pour sauver tout le monde, il conçut ce puissant empire ottoman et l’installa à la place de notre empire romain, dont la foi orthodoxe avait déjà commencé à être ébranlée. Il l’éleva plus haut que tous les autres empires pour nous donner la preuve que son établissement est dû à la volonté divine et non pas à la puissance des hommes, et pour que les fidèles soient informés sur les moyens que Dieu emploie pour accomplir ce grand mystère qu’est le salut des peuples de son élection. Dieu institua donc sur nous ce grand empire –il n’y a point d’autorité en dehors de Dieu– pour qu’il fût un frein pour les Occidentaux, et pour nous, les Orientaux, un moyen de salut. C’est pourquoi, Dieu imposa à l’empereur des Ottomans de nous laisser libres dans l’exercice de notre foi, de nous administrer et, parfois, de châtier les Chrétiens qui s’écartaient du droit chemin, afin que tous soient remplis de la crainte de Dieu…
Pour précipiter dans l’abîme les fidèles abandonnés dont Dieu avait fait son choix et pour les pousser à leur perdition, le diable choisit de nos jours une autre ruse, une séduction particulière, afin de conquérir même les plus fidèles : je parle du système libéral, tant exalté de nos jours, mais qui n’a qu’une qualité apparente. Car ce système contient une amorce du diable, un poison funeste, précipitant les peuples à la perdition et au désordre. Le diable a le cœur brisé en voyant que toutes ses machinations nuisibles à l’âme ont été éventées et que la foi orthodoxe  s’accroit dans cet empire puissant. Par jalousie donc et par honte, il fit appel à tous les esprits du mal et fabriqua ce piège nouveau et habile afin que tous les Chrétiens, même les plus fermes, y tombent, qu’ils perdent le royaume des cieux et qu’ils soient affligés avec lui du châtiment éternel.

(Athanase Parios, Didaskalia Patrikê, Constantinople, 1798 ; traduction française : Argyriou Astérios, Spirituels néo-grecs, Namur, 1967, pp. 107-110)




LA VIE EN CHRIST R.P. Romanidis


Approfondir le chemin qui mène à notre Pâque, le Christ



La tâche sacrée qui se trouve aujourd'hui en face de l'Orthodoxie et en particulier de sa jeunesse qui se détache souvent du libéralisme des générations passées, est de redécouvrir la victoire pascale dans la vie quotidienne de l'Eglise. La foi commune et le culte des Apôtres et des Pères demeurent essentiellement inchangés dans nos livres liturgiques et canoniques, mais en pratique, dans l'esprit du clergé et des fidèles, règne une grande confusion, due sans aucun doute à un manque de compréhension spirituelle de la nature même de l'œuvre du Christ dans l'Eglise.



C'est ainsi que de nombreuses gens qui prétendent être Orthodoxes et qui veulent sincèrement l'être, conçoivent la vie de l'Eglise conformément à de vagues sentiments personnels et non à l'esprit des Apôtres et des Pères de l'Eglise. Ce qui manque, c'est une acceptation vivante de ce que présuppose la vie sacramentelle de l'Eglise.



Ce manque de compréhension explique dans une grande mesure les faiblesses de l'Eglise dans le monde occidental et en particulier celle qui caractérise son attitude à l'égard des différentes variantes de schisme et d'hérésie. Ceux qui ne peuvent comprendre que "l'Esprit Lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu" (Rom. 8,16) ne peuvent prêcher la Vérité, mais doivent se poser la question: ne sont-ils pas eux-mêmes en dehors de la Vérité et, par conséquent, membres morts de l'Eglise ?






1. PRÉSUPPOSITIONS DE LA VIE SACRAMENTELLE





A la différence de la plupart des confessions occidentales qui généralement acceptent la mort comme un phénomène normal, ou bien encore la considèrent comme conséquence d'une décision juridique de Dieu destinée à punir le pécheur, la Tradition patristique de l'Orthodoxie prend très au sérieux le fait que la mort est liée intrinsèquement au péché (1 Cor. 15,56) et qu'elle appartient à la puissance du Diable (Heb. 2,14). Les Pères Orthodoxes rejetaient l'idée que Dieu est l'auteur de la mort, que le monde est "normal" dans sa situation actuelle et que l'homme peut vivre une vie "normale" à la seule condition de suivre les lois naturelles dont on suppose qu'elles gouvernent l'univers. La conception Orthodoxe de l'univers est incompatible avec un système statique de lois morales naturelles. Le monde est au contraire conçu comme un champ d'action et de combat de personnes vivantes. Un Dieu vivant et personnel est à l'origine de la Création tout entière. Son omniprésence n'exclut pas toutefois d'autres volontés, créées elles-mêmes par Lui avec le pouvoir même de rejeter la volonté de leur Créateur. C'est ainsi que le Diable est non seulement capable d'exister, mais aussi d'aspirer à la destruction des œuvres de Dieu. Il le fait en essayant d'attirer la Création vers le néant dont elle est issue. La mort, qui est un "retour au néant" (saint Athanase, De incarnatio Verbi, 4-5), constitue l'essence même du pouvoir diabolique sur la Création (Rom. 8,19-22). La Résurrection du Christ dans la réalité même de Sa chair et de Ses os (Luc 24,39) non seulement constitue la preuve du caractère "anormal" de la mort, mais la désigne comme le véritable ennemi (1 Cor. 15,26). Mais si la mort est un phénomène anormal, il ne peut y avoir rien de tel qu'une "loi morale" inhérente à l'univers. La Bible, au moins, ne la connaît pas (Rom. 8,19-22).



Autrement, le Seigneur Jésus-Christ s'est donné en vain "pour nos péchés, afin de nous arracher au siècle présent qui est mauvais" (Gal. 1,4).



La destinée de l'homme fut parfaite à l'origine et doit aujourd'hui devenir parfaite, comme Dieu est parfait (Eph. 5,1; 4,13). Cet accomplissement dans la perfection fut rendu impossible par la venue de la mort dans le monde (Rom. 5,12), car "l'aiguillon de la mort c'est le péché" (1 Cor. 15,56). Une fois soumis au pouvoir de la mort, l'homme ne peut que s'intéresser avec suffisance à sa chair (Rom. 7,14-25). Son instinct d'auto-préservation sature sa vie quotidienne et l'amène souvent à être injuste envers les autres pour son profit personnel (1 Thes. 4,4). Un homme soumis à la peur de la mort (Heb. 2,15) ne peut vivre une vie d'amour créateur et être imitateur de Dieu (Eph. 5,1).



La mort et l'instinct d'auto-préservation sont à la racine du péché qui sépare l'homme de l'unité dans l'amour, la vie et la vérité divine. D'après saint Cyrille d'Alexandrie, la mort est l'ennemi qui empêche l'homme d'aimer Dieu et son prochain sans anxiété, ni souci de sa propre sécurité et de son propre confort. Par peur de perdre lui-même toute valeur, toute signification, l'homme cherche à démontrer à lui-même et aux autres qu'il vaut vraiment quelque chose.



Il se trouve alors obligé de se présenter extérieurement comme supérieur aux autres, à certains points de vue au moins. Il aime ceux qui le flattent et déteste ceux qui l'insultent. Une insulte frappe profondément un homme qui a peur de devenir insignifiant! Ce que le monde considère comme un "homme naturel" vit presque toujours une vie de mensonges partiels et de déceptions. Il ne peut aimer que ses amis qui lui procurent un sentiment de sécurité, alors que son instinct d'auto-préservation morale et physique l'appelle à haïr ses ennemis (Mat. 5,46-48; Luc 6,32-36).



La mort est la source de l'individualisme : c'est elle qui possède le pouvoir d'asservir complètement le libre-arbitre de l'homme au "corps de la mort" (Rom. 7,18). C'est la mort qui, en réduisant l'humanité à l'égocentrisme et l'égoïsme, aveugle l'homme devant la vérité. Et la vérité est rejetée par beaucoup, car elle est trop difficile à accepter. L'homme préfère toujours accepter pour vérité ce qui satisfait ses désirs personnels. L'humanité recherche plutôt la sécurité et le bonheur que la souffrance de l'amour qui se donne (Philip. 1,27-29). L'homme naturel recherche une religion sentimentale de sécurité dans des préceptes moraux et des règles simples qui engendrent des sentiments de confort, mais ne requièrent aucun effort de reniement de son moi dans "la mort avec le Christ pour les rudiments du monde" (Col. 2,20). Les Apôtres et les Pères ne nous transmettent pas une Foi faite de "sentiments de piété ou de "réconfort".



Ils lancent, au contraire, à chaque page un cri de victoire sur la mort et la corruption. "Ô mort, où est ton aiguillon? Ô tombeau, où est ta victoire?... Grâces soient rendues à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ" (1 Cor. 15, 55-57).



La victoire du Christ sur le Diable a détruit le pouvoir de la mort qui séparait l'homme de Dieu et du prochain (Eph.2, 13-22). Cette victoire sur la mort et la corruption a été accomplie dans la chair du Christ (Eph. 2,15), aussi bien que parmi les justes qui moururent avant (1 Pier. 3,19). "Le Christ est ressuscité des morts, par la mort Il a vaincu la mort, à ceux qui sont dans les tombeaux Il a donné la vie" (Hymne de Pâques). Le Royaume de Dieu est déjà établi, aussi bien au-delà de la tombe que de ce côté-ci (Eph. 2,19). Les portes de l'Enfer ne peuvent prévaloir sur le Corps du Christ (Mat. 16,18). Le pouvoir de la mort ne peut envahir le Royaume de la Vie. Chaque jour le Diable et son royaume approchent un peu plus de leur défaite finale (1 Cor. 15,26) qui est assuré dans le Corps du Christ.






2.- PARTICIPATION SACRAMENTELLE A LA VICTOIRE DE LA CROIX





La participation à la victoire de la Croix n'est pas seulement un espoir pour l'avenir, mais une réalité présente (Eph. 2,13-22). Elle est accordée à ceux qui sont baptisés (Rom. 6,3-4) et greffés au Corps du Christ (Jn 15,1-8). Il n'y a pourtant aucune garantie magique du Salut et de la participation continue à la vie du Christ (Rom. 9,19-2).



Le Christ est venu pour détruire la puissance de la désunion, en unissant ceux qui croient en Lui, à l'intérieur de Son propre Corps. Le signe extérieur de l'Eglise est l'unité dans l'amour (Jn 17,21), alors que le centre et la source de cette unité est l'Eucharistie : "puisqu'il y a un seul Pain, nous qui sommes plusieurs, formons un seul Corps, parce que nous participons tous à un seul Pain" (1 Cor. 6,19-20). Le Baptême et la Confirmation nous greffent au Corps du Christ, alors que l'Eucharistie nous maintient vivants en Christ et unis les uns aux autres par l'inhabitation de l'Esprit Saint dans nos corps (1 Cor. 6,19-20).



La Foi est insuffisante pour le Salut. Les catéchumènes qui étaient déjà des "croyants", devaient veiller, avant de recevoir le Baptême, à rejeter tout ce que le monde considère comme la "vie normale", en mourant au corps du péché et de la mort, pour ressusciter à l'unité de l'Esprit, c'est-à-dire être unis avec d'autres membres d'une communauté locale dans le Christ et la vie commune dans l'amour. L'Orthodoxie ne connaît rien de tel qu'un amour sentimental pour l'humanité. C'est avec des hommes concrets que nous devons être unis pour vivre en Christ. La seule voie qui conduit à l'amour du Christ est d'aimer la réalité que représentent les autres Chrétiens. "Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à Moi que vous les avez faites" (Mat. 15, 20).



L'amour dans le Corps du Christ ne consiste pas en vagues abstractions sur la nécessité de servir des idéologies ou des causes humaines. L'amour, selon l'image du Christ, consiste à être crucifié pour le monde et, se libérant de toutes les idées vagues, à vivre toutes les complexités de la vie communautaire, cherchant à aimer le Christ dans le corps même des frères qui possèdent une existence bien réelle. Il est facile de parler d'amour et de bonté, mais il est bien difficile d'entrer en relations intimes et sincères avec des gens d'origines diverses. C'est cela pourtant que la mort et la



Résurrection en Christ ont établi : une communauté de saints qui ne pensent pas à eux-mêmes, ni à leur opinions propres, mais expriment continuellement leur amour pour le Christ et les autres hommes, en cherchant à s'humilier, comme le Christ s'est humilié. Ce qui n'était pas possible sous la loi de la mort, l'est devenu par l'unité dans l'Esprit de Vie.






3. COMMENT NOUS RÉALISONS AUJOURD'HUI LA VICTOIRE SUR LA CROIX





Durant toute son histoire, l'Eglise a dû combattre le péché et la corruption au sein de ses propres membres, et souvent au sein de son clergé. Cependant, à toutes les époques, elle sut appliquer les moyens appropriés, car elle était capable de reconnaître l'ennemi. L'Eglise est dans la vérité non parce que tous ses membres sont sans péché, mais parce que la vie sacramentelle est toujours présente en elle et contre cette dernière le Diable est sans défense. "Lorsque vous vous assemblez souvent en un seul lieu (epi to auto), le pouvoir de Satan est détruit" (saint Ignace d'Antioche, Epître aux Ephésiens, 13).



Chaque fois que les membres d'une Communauté se réunissent pour célébrer l'Eucharistie et sont en état d'échanger sincèrement le baiser de paix pour communier ensemble au Corps et au Sang du Christ, le Diable est défait.



Cependant, lorsqu'un membre du Corps du Christ communie indignement, il mange et il boit sa damnation (1 Cor. 11,29). Lorsqu'un Chrétien ne communie pas du tout au Corps et au Sang du Christ à chaque Eucharistie, il est spirituellement mort (Jn 6,53).



L'Eglise a catégoriquement refusé d'entériner la pratique suivant laquelle un grand nombre de Chrétiens assiste à l'Eucharistie, alors qu'un petit nombre seulement communie. Assistance, participation à la prière et communion sont inséparables (7ème Canon Apostolique; saint Jean Chrysostome, 3ème homélie sur Eph.).



"Que personne ne soit trompé: si quelqu'un n'est pas à l'intérieur du sanctuaire, il est privé du Pain de Dieu... Celui qui ne s'assemble pas avec l'Eglise a prouvé par là même son orgueil et s'est lui-même condamné" (saint Ignace d'Antioche, Eph. 5).



La tradition biblique et patristique est unanime sur un point : ne peut être membre vivant du Corps du Christ que celui qui est mort au pouvoir de la mort et qui vit dans le renouvellement de l'Esprit de vie. Pour cette raison même, ceux qui ont renié le Christ durant les persécutions après des heures de torture, étaient considérés comme excommuniés.



Une fois qu'un Chrétien mourait avec le Christ dans le Baptême, on attendait de lui qu'il soit prêt à mourir à n'importe quel moment au Nom du Christ. "Celui qui me reniera devant les hommes, Je le renierai aussi devant Mon Père Qui est aux Cieux" (Mat. 10,33). Le 10ème Canon du Premier Concile Œcuménique ne se borne pas à interdire l'ordination de celui qui a renié le Christ durant les persécutions, mais prononce l'invalidation automatique de toute ordination de ce genre, même si elle a eu lieu dans l'ignorance de l'ordinant. Celui qui aurait accompli une telle ordination était lui-même privé de sacerdoce. Combien plus sérieuse est l'offense contre les vœux du Baptême de ceux qui sont paresseux pour aller à l'Eglise. L'approbation que notre clergé d'aujourd'hui accorde à notre pratique sacramentelle est plus inadmissible encore! Si le Chrétien était excommunié pour avoir renié le Christ après des heures de torture physique, ceux qui semaine après semaine s'excommunient eux-mêmes sont d'autant plus condamnables.



La qualité et les méthodes du Diable n'ont pas changé. Lui-même est resté semblable à lui-même, comme Paul l'a décrit, capable de "se transformer en ange de lumière" (2 Cor. 11,15). Le pouvoir de la mort dans le monde est resté le même. Les moyens de Salut, par la mort du Baptême et la vie de l'Eucharistie sont ainsi restés les mêmes (au moins dans les livres liturgiques de l'Eglise).



Les Canons de l'Eglise n'ont pas été modifiés. Nous lisons toujours les mêmes Ecritures approuvées par les Pères. Comment peut-on alors expliquer nos faiblesses modernes? Elles n'ont jamais été aussi évidentes. Il ne peut y avoir qu'une réponse à cette question. Les membres de l'Eglise ne combattent plus le mal dans l'esprit de la Bible. Trop de Chrétiens emploient l'Eglise dans leurs propres intérêts et interprètent la doctrine du



Christ suivant leurs propres sentiments. La tâche essentielle de la jeunesse Orthodoxe doit consister aujourd'hui à revenir à la vérité des Apôtres et des Pères, à ne plus marcher suivant les lois du prince des ténèbres et les rudiments de ce monde. Car c'est pour cela que le Christ est mort. Renier cela, c'est renier Sa Croix et le sang des martyrs.



Avant de critiquer la "rigidité" de la doctrine patristique, l'Orthodoxe moderne doit revenir aux présuppositions de la vie en Christ dans l'Ecriture et prendre garde à ne pas pervertir la doctrine du Christ.

http://users.edpnet.be/orthodoxes/revue/voile2006-01.pdf